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interview

À la rencontre de Mehdi Rigaud

À la rencontre de Mehdi Rigaud

Peux-tu te présenter ?
Mehdi Rigaud, musicien amateur qui pratique depuis très longtemps la musique composée et improvisée. Bassiste, aussi. Mon premier instrument, c'était la basse. J’ai bossé pendant longtemps avec cet instrument. J’ai fait également du didgeridoo pendant très longtemps. Maintenant, je joue de la guitare slide et des roues de vélo.


Tu évoques les roues de vélo, comment on en vient à travailler et à faire de la musique avec des roues de vélo ? Est-ce que tu as une histoire particulière avec le vélo ?
Oui, je suis cycliste depuis nombreuses années, j’ai fait beaucoup de VTT. Un jour, je bossais justement sur mon solo noise guitare et j’avais envie d’une boîte à rythme mécanique, pas un truc où tu appuies sur un bouton et où ça tourne tout seul. Cette idée m’est venue car j’ai toujours mon vélo dans mon utilitaire pour pouvoir me déplacer très facilement sur Poitiers. Un jour alors que j’avais mon vélo derrière moi et que je roulais en voiture, j’ai entendu une sangle qui tapait dans les rayons. Ça m’a fait penser à des souvenirs d’enfance où on mettait des cartons dans les rayons, pour que ça claque. Suivant ce qu’on mettait, ça claquait différemment, suivant les emplacements aussi. Je me suis dit : « Bah, tiens, voilà une idée de boîte à rythme mécanique, une roue de vélo. Si on la fait tourner à vitesse régulière et qu’on lui accroche un objet au bout d’un moment ça va s'entrechoquer. Ce rythme sera régulier si la vitesse est régulière. » Suivant là où je mets les objets, on peut créer des temps différents, deux temps, trois temps, et parfois ça devient un peu cacophonique.
 


Les roues de vélo sont des objets du quotidien, ton installation contient d’autres objets de ce type.
C’est important pour toi d’utiliser des objets du quotidien et de pratiquer la récup' ? 
Oui, mon premier souci était de ne pas acheter, de faire qu'avec de la récup’. C’est ce qui s’est passé. Tout le bois qui compose la structure de base, c’est que de la récup’, que j’ai débité pour certains venant d’une scierie, les autres étaient dans une vieille menuiserie désaffectée. Toutes les grosses lames de scie circulaire qu’on voit viennent aussi en grande partie de cette menuiserie. Elles étaient HS. Et ça sonne un peu comme des cloches. J’ai passé beaucoup de temps au Népal et à bosser là-bas en humanitaire, et ça me rappelle un peu les temples bouddhistes où je traînais lors de mes temps creux. Les seules choses que j’ai achetées neuves sont des épingles à linge et des micro piezos. Tout le reste, c’est que de l’occaz, de la récup ou mon matériel que j’utilise d’habitude, des pédales d’effet, tout ça, pour triturer le son. 
L’électronique permet de développer le son autre que sur l’acoustique. À la base, je ne voulais rester que dans l’acoustique car le montage actuel dure 3 heures. En fait, très vite, je me suis rendu compte qu’il y a des sons que j’aurais aimé entendre un peu plus fort. J’ai donc commencé à rajouter deux, deux, trois micros piezo, un petit multipiste, des effets et un delay. Je m’étais cantonné à ça. Je me suis dit : « C’est bon, je m’arrête à ça. » Au mois d’avril j’ai eu un concert avec le PoCollectif, je me suis dit : « Je vais ressortir une roue, je vais la motoriser » J’ai récupéré un moteur d’essuie-glace, j’ai bidouillé. J’ai adapté ça, je l’ai monté sur une seule roue. Je ne savais pas si avec les cinq autres, ça allait tourner. Et puis en fait, bonne surprise, le moteur est assez puissant, pour emmener les cinq autres roues en même temps, ça me permet d’avoir les deux mains libres et de faire des choses que je ne pouvais pas faire avant.

 

Est-ce qu’il y a parfois des accidents ? 
Oui ! Lors de mon premier concert j’ai eu un saut de courroie. Déjà, j’étais tendu, j’avais un trac que je n’avais pas ressenti depuis des années. J’avais essayé de la remettre une fois, deux fois, trois fois, puis j’ai vu que je ne pouvais pas. J’ai laissé tomber et j’ai fini mon concert comme j’ai pu.  Il y a également un son que j’ai trouvé accidentellement. Il est assez désagréable. C’est du métal contre métal. C’est très grinçant. Niveau acoustique, ce n’est pas fort, mais c’est le ressenti qui se dégager de ce son. C’est un son métal sur métal comme la craie sur le tableau qui fait dresser les poils aux gens. Moi il ne me fait rien, mais je l’utilise avec parcimonie. C’était un accident à la base, mais maintenant j’arrive à le maîtriser, à en sortir plusieurs sons. Ces sons parfois désagréables à l’oreille sont aussi voulus, comme pour rappeler ce qu’on entend dans la vie de tous les jours. Il y a des sons très agréables comme des sons qui nous cassent les oreilles et qui sont horripilants à souhait.
 


Si tu pouvais définir, donner une idée aux auditeurs de ce qu’ils peuvent entendre, quels mots tu mettrais sur la musique que tu produis avec cette installation ?
Un univers sonore, des paysages sonores du quotidien. Il peut rappeler des trains parfois. Moi qui ai passé du temps au Népal, quand toutes les lames de scie sonnent ça me fait penser un peu aux quartiers bouddhistes qui ont une ambiance très particulière de par leur sonorité et leur odeur. J’ajoute et je retire des éléments que je mets dans les roues, ce qui fait que ça module aussi le son. Je peux commencer avec un son très léger qui peut s’alourdir. Au fur à mesure du concert, il a plein d’éléments qui viennent se percuter, qui frottent et on ne sait plus d’où ça vient, c’est ça devient limite cacophonique à la fin. C’est quelque chose de voulu que ce soit aussi chargé par moment.  On n’arrive plus à discerner qui fait quoi, d’où vient le son. En plus, là, maintenant, je retranscris les micros piezo. Le son est retraité puis renvoyé dans un ampli. Le public cherche, regarde… Il se demande comment a été généré tel ou tel son.