Voilà déjà une dizaine d’années que Guylaine Cosseron élabore et peaufine un imaginaire vocal aussi personnel qu’original. Elle aurait pu être une chanteuse de jaze de plus, rejoignant la cohorte d’une multitude de « nouvelles sensations du moment » qu’on voit fleurir presque chaque mois les colonnes des magazines dits spécialisés. Elle aurait aussi pu se cantonner au rôle de clone féminin d’un Phil Minton, qu’elle admire. Ç’aurait été sans compter sur sa volonté farouche d’aller voir et entendre ailleurs, de tourner le dos à toute facilité. Ses mauvaises fréquentations (Doneda, John Russel, Sophie Agnel, Jean-Luc Guionnet, Joëlle Léandre…) auront fait le reste.
Son trio avec Xavier Charles et Frédéric Blondy donne à entendre une musique minimale, au bord du secret et de la confidence, comme quelque chose que l’on murmurerait à l’oreille. Un enchevêtrement de sons où voix et clarinette se rapprochent, se croisent, s’éloignent, portées par un piano tantôt démesuré, tantôt réduit à son plus simple appareil.
Une poésie brute à la délicatesse sauvage, où le temps s’étire et ouvre des espaces dépouillés, infimes ou infinis, frôlant le silence comme une caresse.

à voir en live

Encore eux ?! Non, enfin eux !
On a eu l’occasion de les écouter chacun maintes fois dans différents contextes, imperturbablement irréprochables quels que soient les projets. Ils n’ont jamais joué tous les trois ensemble jusqu’ici, et pourtant on salive déjà à l’idée de cette rencontre, évidente.
La batterie de bric et de broc de Didier Lasserre, ses baguettes de fagots qui partent en lambeaux au fil du concert, l’étrange contrebasse à sept cordes de Paul Rogers qui résonne comme une cathédrale et les mélanges improbables de tuyauterie et d’embouchures du plombier Cappozzo…
Des instruments détournés, maltraités, augmentés ou diminués, une lutherie nouvelle et sauvage, mais loin des caprices de sales gamins qui se seraient lassés de leurs jouets. Juste d’autres moyens de chercher du son nouveau, de l’inouï, l’accident acoustique. Altérer la note, triturer la matière sonore, mais sans chercher le bruit à tout prix. Ou pour mieux le rendre beau. Parce que, l’air de rien, comme ça, ces trois-là ne font que ça en fait. Tirer la quintessence de leurs bricolages artisanaux, faire oublier l’instrument, se concentrer sur l’espace, jouer avec l’air et donner libre cour à la musique. Quels que soient les chemins choisis, les ornières enjambées, ils ne visent qu’une même destination. Des routes parallèles qui finissent toujours par se croiser. Au carrefour d’une mélodie, au bout d’un pont, sur un  point de vue, un point d’ouïe, où on se pose, simplement éblouis, avant d’aller voir encore un peu plus loin ce qui s’y passe…

Dans le cadre de jazz en scènes 2011, événement organisé en partenariat avec la Fédération
des Scènes de Jazz et de Musiques Improvisées.

DUO BOPP / SOUCHAL

Il est certains conservatoires où les élèves ont bien de la chance... Ceux qui au cours de leur cursus poitevin auront croisé Christiane Bopp sont de ceux-là. Technicienne impériale, pédagogue précieuse et improvisatrice fantasque, elle balade son trombone facétieux d’un concerto de Mozart à une folle échappée aux côtés de Pifarély et Corneloup. Ou, comme ce soir dans un duo cuivré tout en violentes nuances avec l’une des trompettes les plus prometteuses du moment, élevée au bon lait de quelques formateurs pas manchots (Léandre, Evan Parker, Cappozzo, René Lussier...) et repérée/encensée - le nez fin ! - par nos collègues du Petit Faucheux à Tours.

DUO CAPPOZZO / KELLER
Géraldine Keller, on en a causé y a pas longtemps. Renvoi sur la soirée du 13 octobre dernier donc, on n’en dirait pas mieux aujourd’hui. Sur le Cappozzo, on a sans doute aussi tout dit. Et pourtant... On a sans doute pas réussi à dire grand chose de ce que la musique de cet homme-là peut vous faire.
Ces deux-là, fusionnels, ont en commun cette faculté unique de donner à entendre du concentré d’humain dans leur musique. Avec tout ce que ça trimbale un humain, quand ça triche pas, comme eux. Du beau, du sale, de la joie, du rire et de la colère, du bonheur ou des larmes... Des gens un peu comme tout le monde quoi... mais définitivement uniques.

Qu’on se le dise, si l’on en doutait encore, la relève du jazz français est bien là, assurée par ces dix jeunes musiciens parmi les plus primés du moment. Ici réunis au sein de Radiation 10, big band en forme de all stars de la nouvelle génération, qui associe le punch d’une petite formation à la richesse sonore d’un orchestre, ils nous offrent un jazz d’une fraîcheur étonnante, en forme de cure de jouvence.
Inutile de chercher une catégorie où les ranger, ils ne suivent aucun modèle, aucune esthétique et ne s’interdisent aucune déviance. D’un flirt avec le rock progressif ou la musique de chambre, ils déboulent en fanfare, enflent en un groove énorme, s’enfuient en vrille… Si on distingue des influences de Zappa ou des Floyd, du Beefheart de Trout Mask Replica ou de bien d’autres choses encore, ce qui frappe avant tout dans cette formation, c’est cette soif de se confronter à tous les langages musicaux, de les assimiler, détourner, recycler, pour mieux réinventer leur musique à eux, entre respect et pied de nez aux aînés qui les ont nourris.

À voir sur dailymotion : ”Radiation 10 – Imprimerie 168”

Recevoir Charles Gayle et Han Bennink, c’est un peu comme relire 40 années d’une histoire des jazz les plus libres. C’est reprendre le chemin des passerelles qui ont pu naître depuis les années ’60 entre la patrie de la black music et notre vieille Europe. C’est aussi convier quelques fantômes et des monstres sacrés encore debout. Cecyl Taylor, Sunny Murray, Pharoa Sanders, Shepp, Rollins, Dolphy, Brötzmann, Kowald... autant de collaborations qui ont marqué le parcours de ces deux monuments. Mais c’est surtout réaliser que, même aux mains de ceux qui seraient largement en droit de se poser enfin, à 70 ans passés, le jazz free - si daté qu’il puisse paraître à certains - reste une voix (voie ?) essentielle des musiques d’aujourd’hui. Toujours aussi fraîche, toujours en pleine (r)évolution.
Et c’est enfin, l’important est bien là, l’occasion d’une soirée de très grande musique. 
Entre puissance et sérénité, le sax déchirant de Charles Gayle croise le drive imparable de ce trublion batave, véritable clown de la percussion tout autant que maître du temps, et nous balade de brûlots free en longues digressions lyriques, d’une émotion intense à un éclat de rire libérateur.

À voir sur you tube : ”Charles Gayle and Han Bennink #1 – ZJFT 2010”

Ateliers d'improvisation du CESMD

Le Centre d’Études Supérieures Musique et Danse de Poitou-Charentes (CESMD) est un établissement d’enseignement supérieur sous tutelle de l’État.
Remplissant plusieurs missions de service public, c’est un centre :
- de formation au métier d’enseignant. Il délivre le diplôme d’État de professeur de musique.
- de formation au métier d’interprète : diplôme national supérieur professionnel de musicien.
- de formation professionnelle et continue : ouvert aux nouvelles esthétiques et pratiques,
il assure une mission de formation continue pour les artistes interprètes et les professeurs d’enseignement artistique.

Dans le cadre de sa formation continue, le CESMD organise ce mois de novembre un stage de musique improvisée avec quelques intervenants de choix : Claire Bergerault, Olivier Benoit, Marc Brochet.
Cette soirée est l’occasion de découvrir sur scène les fruits du travail réalisé lors de ces journées. Répartis en plusieurs formations, une vingtaine de musiciens stagiaires, tous instruments confondus, se jette dans le grand bain de l’interprétation spontanée...

Lazro, encore ?! Mais oui encore ! Encore et toujours, à chaque saison, pour chacun de ses nouveaux projets .Tant qu’il sera là, tant que peu incarneront aussi bien que lui l’héritage d’Albert Ayler, tant que son souffle brûlant ravivera les braises parfois tièdes de ce qu’on appelle maintenant le jazz contemporain dans les livres, ou les conservatoires...
Et, surtout, tant qu’il aura cette faculté rare de savoir si bien s’entourer, pour toujours se renouveler.
Géraldine Keller, qu’on va finir par ne plus présenter, c’est la grâce vocale incarnée. Aucun répertoire n’échappe à son talent, à sa technique irréprochable mais toute entière dédiée à une imagination, une inspiration sans borne. L’esbroufe, elle laisse ça aux autres, son truc à elle c’est d’illuminer tous les concerts auxquels elle participe. Simplement...
Quant à Benjamin Bondonneau, si discret qu’on en oublierait presque sa « Dentelle des dents » - splendide disque commis en 2003 chez Amor Fati et qui posait une nouvelle pierre, de taille, dans l’histoire de la clarinette, il revient enfin à Poitiers, après six ans d’une absence qui nous ferait presque rougir.
Et vous voudriez avec ça qu’on hésite encore à l’inviter le Lazro ?! À l’année prochaine Daunik !

À écouter : Lazro solo - « Some other Zongs » - Ayler Records, 2011.

1ère partie : Concerts des élèves de Syrinx

Pour le 30ème anniversaire des ateliers Syrinx, Gilles Le Gat, guitariste et enseignant pilier de l‘école de musique, a imaginé ces Rencontres Tempo. Soit trois ateliers d’improvisation à destination des élèves de Syrinx, animés par trois éminents musiciens.

Pour donner tout son sens à ces rencontres, il a imaginé cette soirée où se succéderont sur scène un groupe d’improvisation composé des élèves ayant participé aux ateliers et un trio réunissant les trois intervenants.

2ème partie : SYLVAIN CATHALA TRIO

C’est peut-être parce qu’on ne peut jamais être sûr d’en avoir une avant 50 ans (et donc d’avoir réussi sa vie, selon le grand philosophe...) que Sylvain Cathala a décidé d’abandonner le précédent nom de ce trio ; Rolex... Ou une histoire de droits ? Peu importe, l’essentiel étant bien de retrouver intacte cette formation qu’il a initié en 2005 déjà, et qui recueille depuis tous les suffrages.
Ses deux compagnons de route Christophe Lavergne et Fred Chiffoleau sont donc toujours de la partie, et leur récent album Moonless confirme, s’il en était besoin, l’avenir radieux qui est d’ores et déjà assuré à la scène jazz française. La relève est là, à n’en pas douter !

On ne peut plus classique dans la forme, ce trio joue en fait un jazz infiniment moderne, chaloupant entre la complexité la plus radicale et une légèreté cristalline, et élabore une musique riche et fluide, puissante et sophistiquée, dont la poésie touche dès les premières notes.

Sans doute moins connu que Fred Frith (en Europe du moins), plus underground et obscur en tout cas, Keiji Haino n’en reste pas moins une véritable icône de la guitare. Célébré tel un dieu vivant au Japon, gourou incontournable de la scène noise internationale, il est devenu en une quarantaine d’année et quelques 200 albums un monument de l’art brut musical, un artiste culte dont chaque nouvelle production devient aussitôt collector.
Littéralement possédé par le son, en fusion totale avec son instrument, ses prestations tiennent autant de la cérémonie incantatoire que du concert traditionnel. Nul n’aura sans doute su rendre aussi palpables les sons et les silences que ce shaman indus en transe...
Et rares sont les musiciens français qui ont partagé l’affiche avec Keiji. On pense à Pauvros, forcément, et... et... Ce qui pourrait être une forme de privilège pour Éric Cordier n’est ni plus ni moins qu’un juste retour des choses. Pour celui qui aura révolutionné l’utilisation de la vielle à roue, qui aura su lui faire traverser l’océan qu’il peut sembler y avoir entre les musiques trad’ et la noise la plus radicale, rien de plus légitime que d’être invité à croiser le fer avec lui.
Deux duettistes de l’extrême, gravissant une montagne de décibels comme on entame une promenade de santé, deux voix essentielles de ces musiques kisonpapareil, pour un concert dont on ne peut pas sortir indemne.

En partenariat avec le Diterich, la diffusion du documentaire "We don't care about music anyway", un documentaire proposant une vision kaléidoscopique de Tokyo, confrontant musique et bruit, sons et images, représentation et réalité, fiction et documentaire.
Diffusion prévue à 18h au Dietrich le même jour
Important à savoir : concert gratuit sur présentation de votre ticket de cinéma.

Deux duos décalés de théâtre musico-vocal : l'un, Instinct de conversation, en éclats de voix, halètements, petits cris, borborygmes et autres enfantillages, par deux vocalistes sans entraves ; l'autre, À table, faits de dialogues, superpositions, traductions simultanées du "trombone parlant" de Vrob et de la langue loufoque (et néanmoins universelle) de Maddeddu.