Initié par Alexandre Pierrepont, ethnomusicologue, anthropologue, programmateur, poète et bien plus encore, The Bridge est un programme multiforme qui vise à ouvrir les frontières et promouvoir les échanges transatlantiques. Un pont qui sera régulièrement traversé par les musiciens français et américains dans le cadre de projets collaboratifs. Il regroupe des artistes, des clubs, des festivals, des universités, des lieux d'enseignement ou des centres culturels pour fonctionner comme une matrice, comme un réseau d'échanges, de production et de diffusion.
À l'instar de huit autres lieux en France, le Carré Bleu rejoint cette initiative, aussi ambitieuse que précieuse, en accueillant cette formation inédite composée de cinq briscards du « champ jazzistique  ». L'occasion pour le public poitevin de découvrir Douglas R. Ewart, membre clé de l'historique collectif chicagoan AACM, son compatriote Michael Zerang (Brötzmann, Gustafsson, Vandermark, Mc Phee et tant d'autres...) et trois représentants d'une french touch sans complexe, visages pâles de cette Great Black Music depuis toujours sans frontière. Un quintet d’esprits libres  pour qui la musique improvisée est celle, aventureuse, irréductible, de la croisée des routes et de la traversée des mondes.

À lire : « Le champ jazzistique », Alexandre Pierrepont – Éditions Parenthèses, collection Eupalinos – 2002.

Début de la soirée à 20h :
projection du film de Christine Baudillon :
« Raymond Boni, les mains bleues »,
concert solo de Raymond Boni,
rencontre, discussion avec la réalisatrice et le musicien

Après Joëlle Léandre et Daunik Lazro, Christine Baudillon se penche en images sur une autre figure des musiques libres, sans doute plus méconnue mais au combien incontournable.
Boni, pour les intimes, aura fait partie des précurseurs en France d'un jazz dynamité par cette soif de liberté héritée des cousins transatlantiques, amplifiée par l'ambiance de révolution qui animait le pays en cette fin des années soixante. Une période durant laquelle il peaufine sa technique de jeu, unique, née de la musique manouche, influencée par le flamenco et toujours teintée du rock'n roll des Bill Haley et consorts qu'il écoutait dans son enfance. Une virtuosité rare mais toujours au service de la musique, de l'émotion, de ce fameux cante rondo, ce chant profond, cri solaire et imploration des gitans andalous.
Dans Les Mains Bleues, on le retrouve aux côtés de son fils Bastien, Christine Wodrascka, Jean-Marc Foussat, Daunik Lazro, ou Claude Tchamitchian et Joe Mc Phee, compagnons de route privilégiés de ce grand bonhomme généreux.
Le documentaire sera suivi d'une performance live en solo et prolongé par une discussion avec le musicien et la réalisatrice.

À écouter  : Boni & Mc Phee  : "Voices & Dreams" (Label Émouvance - 2001).

Boni solo : "Welcome" (Label Émouvance - 2012).

Pièce pour marionnettes, voix et contrebasse
A partir de 10 ans

C’est une nouvelle de Marguerite Yourcenar, elle-même inspirée d’un conte philosophique chinois, qui est à l'origine de cette création : dans la Chine du Moyen Âge, Wang-Fô peint des toiles plus vraies que nature. L’empereur, qui a passé son enfance à admirer ses tableaux, découvre au contact de la réalité que le monde est loin d’être aussi beau qu’il a cru l’imaginer au travers de son oeuvre. En colère, il ordonne son exécution...
À partir des motifs de ce conte, Danielle Indeau et Éric Brochard ont librement imaginé cette pièce où marionnettes, voix, contrebasse et objets sonores traduisent, entre écriture et improvisation, une histoire poétique et merveilleuse sur la quête de la perfection esthétique, le pouvoir de l’art et son rapport à la réalité, la confrontation entre la liberté créatrice et l’intégration sociale.
Des problématiques qui ne sont finalement rien d’autre que le quotidien de tout artiste qui, comme eux, a décidé de ne rien céder à la facilité, d’échapper à la dictature des académismes et de laisser libre cours à son art quitte à ne connaître en retour que mépris ou incompréhension.

On sait avec quelle agilité la guitare d’Hasse Poulsen se balade d’un style à l’autre. Délicatement acoustique ou méchamment bruitiste, classiquement jazz, plus rock ou parfois folk, elle sait se teinter de toutes les couleurs qu’il se plaît à arborer. Et toujours en compagnie judicieusement choisie.
En 2011, il décide de se lancer dans un projet à tendance free jazz assumée. Une direction qu’il aurait sans hésitation pu prendre avec ses fidèles acolytes de Das Kapital, parfaitement à leur aise en la matière, mais à qui il a préféré la compagnie de deux piliers du temple, véritables institutions du free d’outre-manche.
Hasse Poulsen et Mark Sanders s’étaient déjà croisés au sein de Speeq, en compagnie de Luc Ex. De leurs côtés, Paul Dunmall et le batteur n’en sont plus à leurs premiers faits d’armes puisque leur collaboration remonte à presque 20 ans.
Jusqu’ici rien de surprenant donc à la lecture de ce line-up prometteur. La surprise, s’il faut qu’il y en ait une, serait sans doute plutôt la formidable faculté de toujours se réinventer qui fait de cet idiome qui frise ses 40 ans une musique plus actuelle que bien d’autres qui se revendiquent aujourd’hui comme telle.

Le repos, Joëlle Léandre ne connaît pas. En 30 ans de carrière, on pourrait penser qu’elle a déjà tout joué, partout, avec tout le monde. Un parcours unique qui l’a depuis longtemps imposé comme l’une des plus grandes figures des musiques créatives dans le monde. Et qui l’autoriserait largement à lever un peu le pied aujourd'hui. Seulement voilà, La Léandre ne l’entend pas de cette oreille. Tant qu’il restera quelque part un fer à croiser, un nouveau chemin à emprunter, elle retournera au charbon.
Nouvelle étape donc que ce duo, et le choix d’un partenaire qui peut surprendre... Du moins pour ceux qui se seraient arrêtés à sa carrière avec Noir Désir. En effet, dès 2000, Serge Teyssot-Gay prouvait déjà au travers de l’album On croit qu'on en est sorti que sa guitare était bien plus aventureuse que ce qu’on pouvait en entendre au sein du "plus grand groupe de rock français". Depuis, bien plus discrètement, lui aussi poursuit sa route, s’adonnant de plus en plus en souvent à l’improvisation, à la recherche sonore et à la confrontation à de nouveaux univers. Semi-surprise donc finalement, et qui ne manque pas de se dissiper à l’écoute de leurs joutes musicales, tant la complicité est évidente, tant les cordes grinçantes et les larsens malsains de Teyssot-Gay se marient à merveille avec les géniales divagations de cette immense contrebassiste.

Quatre super-instrumentistes-compositeurs-improvisateurs engagés dans la composition collective et  improvisée d'une musique créative, ludique, aventureuse, qui allie les sons électroacoustiques à la recherche de timbres inouïs sur les instruments traditionnels.

Lauren Newton - Patrick Scheider
De l'Oregon à la Suisse en passant par l'Allemagne, la fascinante vocaliste Lauren Newton a laissé d'inoubliables souvenirs, notamment au sein du "Vienna Art Orchestra", du "Vocal Summit" (avec Bobby Mc Ferrin, Jeanne Lee, Jay Clayton, Ursula Dudziak), avec Anthony Braxton, John Rose, Joelle Léandre ou Urs Leimgruber. Fou de piano, de Chopin et d'impro, Patrick Scheider a joué avec Michaël Lévinas, Vincko Globokar, Carlos Roque Alsina, Evan Parker, Bernard Lubat, Marc Perrone ou Urs Leimgruber. Une rencontre improvisée pour que s'épanche librement le désir de musique.

Jean-Luc Guionnet joue en duo avec Olivier Benoît (qui joue, par ailleurs, avec Daunik Lazro ou Edward Perraud) ou avec Edward Perraud (qu'il retrouve dans une demi douzaine d'autres formations). Ce dernier duo constitue les deux tiers du trio d'Éric Brochard (qui retrouve Edward Perraud au sein d'un quartet de Sylvain Kassap). Quant à Daunik Lazro, quel improvisateur de talent ne l'a pas rencontré ? Dans l'infinie combinatoire qui recompose inlassablement la scène improvisée, ces cinq là représentent quelque chose comme soixante-dix formations. C'est dire la richesse que promet leur première réunion.

Pour ne garder que l'essentiel de sa musique, Pierrot Desoyer a dépouillé son écriture, cherchant à retrouver les atmosphères naïves et étranges de ses souvenirs et de ses rêves d'enfance. Avec Paul Brousseau et Éric Groleau, il a reconstitué un magnifique trio de poitevins fraîchement "montés" à la capitale, augmenté de Lionel Garcin, un jeune (et grand) saxophoniste avignonnais (à découvrir d'urgence) quia l'habitude de tourner avec un autre contrebassiste : Barre Phillips.

Peintre et musicien (prof d'impro et d'arts plastiques), Benjamin Bondonneau s'est imposé d'emblée, avec un fantastique solo, parmi les spécialistes les plus inventifs de la clarinette dont il élargit l'espace vibratoire et le lexique sonore. En attendant son futur duo avec Daunik Lazro (enthousiaste), il a joué avec Michel Doneda, Ninh Lê Quan, Jacques Di Donato ou François Rossé. Pour partager, en toute liberté, la poésie du son comme celle du geste, il a choisi deux partenaires habitués aux rencontres aventureuses (avec Doneda, Lê Quan, Léandre, Leimgruber, Pallandre, Répécaud, etc.).