Pour Isabelle Duthoit et Jacques Demierre, l'espace du concert est le lieu privilégié où questionner la forme historique du duo clarinette-piano. point de cadre confortable, point de nostalgie ; ici la musique est en situation, elle s'écrit et se propage dans l'instant. Ainsi, le piano ne cesse de redessiner de nouvelles topographies sonores, se révélant autant instrument qu'objet et nous faisant oublier son propre poids. De même, la clarinette et la voix travaillent l'étendue ouverte par les matières sonores intrumentales et vocales : filtrages mutuels, morphings inouïs et le souffle comme fils rouge à l'infini de ces limites. Ensembles ils réinventent l'espace sonore et physique du duo instrumental et étendent leur virtuosité aux confins de la maîtrise et du risque. C'est une énergie en mouvement, à la fois radicale et lumineuse.

"O Mago Hermeto"
Quatre musiciens d’exception rendent hommage au génie du « magicien » Hermeto Pascoal, compositeur et multi-instrumentiste brésilien, véritable brocanteur de sons capable de mixer le chant des poules à des airs de fanfare endiablés ou de transformer en mélodie folle les cris délirants des commentateurs de football brésiliens.
Fasciné par ce personnage hors norme qui marquera à jamais l’histoire de la musique, François Merville a voulu éviter le piège de l'interprétation en préférant le regard distancié. Il se présente ainsi à la tête de cette formation plutôt électrique au sein de laquelle s’enflamment ses compagnons de route : Christophe Monniot en saxophoniste tour à tour appliqué / déjanté, Julien Omé, expert en zébrures électriques et Nicolas Le Moullec, bassiste précis à la sonorité musclée et agile. Une musique à la fois savante et populaire, naïve et sophistiquée, toujours profondément festive et jubilatoire.

À écouter : « O Mago Hermeto » (Label In Circum Girum, 2007)

Création des stagiaires du CESMD, dirigés par Julien Padovani
Depuis maintenant deux ans, en partenariat avec le CESMD, Julien Padovani anime des stages d’improvisation auprès de différentes écoles de musique de la région, notamment celle du Pays du Bocage Bressuirais.
Pour ce concert de fin de stage, il a rassemblé des musiciens issus d’horizons divers (musique traditionnelle, ancienne, classique, contemporaine...) autour d’un travail de mise en lien entre écriture et improvisation.

Trio Padovani - Lété - Groleau
Touche-a-tout de génie, Julien Padovani excelle aussi bien sur des pièces de Chopin que sur le groove reggae des regrettés Livin’ Soul ou dans les expérimentations sonores les plus débridées. Avec ce tout nouveau trio, pour leur premier concert, il s’aventure dans des contrées résolument plus rock. Pour l’occasion, il s’est entouré de deux solides piliers rythmiques dont la virtuosité le dispute à une puissance de feu impressionnante et qui officiaient déjà côte à côte au sein du très jouissif combo Le Maigre Feu de la Nonne en Hiver.

À écouter : Le Maigre Feu de la Nonne en Hiver (Label Chief Inspector, 2006)
Dominique Pifarély Trio (Label Poros, 2008)

Kolkhöze Printanium ?? Nom de guerre, slogan improbable, délire éthylique, camping à la ferme moscovite ?! Non, simplement le nouveau projet emmené par cinq musiciens véritablement allumés, fine fleur de la jeune scène hexagonale et compagnons de route réguliers des maîtres Sclavis ou Ducret.
Une musique toute en contradictions, tour à tour obscure, violente et brutale comme le kolkhoze ou légère, naïve et bucolique comme le printemps ; à la fois répétitive, stakhanoviste, mais toujours empreinte d’une liberté de jouer salvatrice. Bref, un quintet hors normes, qui prend un malin plaisir à brouiller les pistes, mélangeant allègrement free rock débordant d’énergie, impros hallucinées, groove irrésistible et dérapages plus ou moins contrôlés.

Une belle amitié musicale s'est tissée, par delà les mers et les océans, entre l'une des meilleures rythmiques d'outre-atlantique et une paire de complices méditerranéens, point de rencontre de quatre impressionnants parcours. Celui de Jaume (Phil Woods, Barre Phillips, Raymond Boni, Jef Gilson, Michel Petrucciani, Joe McPhee, Daniel Humair, Jimmy Giuffre, Charlie Haden, etc.), celui de Charmasson (Claude Tchamitchian, Jimmy Giuffre, Charlie Mariano, Gerry Hemingway, Jean-Luc Cappozzo, Louis Sclavis, Mat Maneri) et ceux de Gress (Uri Caine, Tim Berne, Ravi Coltrane, Dave Douglas…) et de Rainey (Marc Hélias, Tim Berne, Marc Ducret, Dave Douglas, Louis Sclavis, John Abercombie, Joe Lovano…)

"What do you mean by silence ?"
Ce projet est né dans la tête de Vincent Courtois en réponse à la chanson de son ami John Greaves, "The rest is silence". Loin de l’entreprise minimaliste, le silence s’impose ici comme un cinquième compagnon de jeu. C’est autour de lui et avec lui que ce quartet construit sa musique, comme un espace aux contours encore flous, translucides. Un paysage fantomatique, baigné dans une musique en suspension où se mêlent la mystérieuse évanescence de la voix de Jeanne Added (qui n’est pas sans rappeler celle de Björk), les feulements du saxophone aérien du jeune prodige Marc Baron et les accidents sonores nés des percussions de François Merville qui semblent faites de cailloux, de sable ou de branches bruissantes.
Entre improvisations délurées, compositions éthérées et superbes ballades, ils explorent un territoire épuré mais jamais aride, parfois vide de son mais pas de sens, où le temps semble comme suspendu. Une lumineuse poétique du silence.

C'est la journée où l'on fait les cuivres (et on les fête) au Conservatoire. Anciens sacqueboutes et cornets à bouquin, graves tubas et euphoniums, éclatants trombones, cors, bugles et trompettes, célèbrent toutes les époques. Parmi les nombreux concerts, animations et fanfares, le trio de "jazz de chambre" MTV (augmenté d'un trompettiste) crée une pièce de Jean-Marie Machado, et Jean-Luc Cappozzo improvise avec la générosité et la sensibilité extrêmes qui sont la marque de son immense talent.

François Rosse – György Kurtag
Elève d'Olivier Messiaen, lauréat de grands concours (dans les jurys desquels on trouve Iannis Xenakis, Paul Mefano, Ivo Malec ou Gilbert Amy), auteur de plus de 400 œuvres (dont certaines furent créées par les ensembles 2E2M, Ars Nova ou Laborintus) François Rossé revendique une errance musicale traversant les époques, les pays, les styles, les pratiques… Insatiable provocateur de rencontres improvisées, il invite un autre compositeur contemporain, György Kurtag (junior), expérimentateur fécond de nouvelles technologies informatiques et électroacoustiques.

Des cordes comme s’il en pleuvait pour ce trio inédit à l’instrumentarium plutôt inhabituel, et surtout l’occasion d’entendre à nouveau Philippe Deschepper, musicien essentiel, sculpteur (sa seconde pratique artistique) de matières sonores désespérément rare sur les scènes françaises. Guitariste éminemment électrique, parfois méchamment rock ou salement noisy mais toujours profondément lyrique, son parcours l’a amené à croiser le fer avec Gérard Marais, Henri Texier, Michel Portal, Louis Sclavis, la Compagnie Lubat, Barre Phillips, Steve Swallow... En compagnie d’Olivier Benoit, qui abandonne pour un temps la direction du Bigorneau pour retrouver son instrument de prédilection et de Régis Huby, qui, du Quatuor IXI à... Lambert Wilson (il est directeur musical de son projet « Nuit Américaine » !) en passant par le trad’, s’est affirmé comme une figure singulière du violon contemporain, il nous emmène sur les terres essentiellement improvisées d’une musique organique, en perpétuel mouvement, libre et particulièrement aventureuse.

Avec une multitude d'objets, de matériaux, de jouets, de petits instruments, Kristof K. Roll ( le duo Carole Rieussec-Jean Christophe Camps) façonnent des sons qu'ils amplifient, modifient, mélangent, enrichissent, à l'aide de micros, de tables de mixage, de lecteurs de CD, d'échantillonneurs et autres effets électroniques, improvisant des paysages sonores dont l'exotisme poétique se déploie dans l'espace autant que dans le temps. Des paysages où Daunik Lazro aime s'aventurer, comme on expérimente son pas sur une autre planète, mêlant sa voix exigeante à une musique qui naît de la mise en forme et en sens de la matière sonore.