Un chanteur-musicien traditionnel et deux musiciens de jazz : le mélange n’est pas nouveau et a déjà fait ses preuves dans le passé... Pourtant, ici, le cocktail détonne et étonne.
Bernard Subert, agitateur du répertoire traditionnel depuis bientôt trente ans, compagnon de quelques-unes des plus belles aventures des Nouvelles Musiques Traditionnelles (Quintet Clarinette, Ténarèze, Titi Robin, Denez Prigent, Yannick Jaulin, Alain Legoff...) a ici décidé de revisiter les plus belles chansons et complaintes de Haute Bretagne en compagnie de deux improvisateurs émérites aux collaborations prestigieuses (Louis Sclavis, Bruno Chevillon, Dominique Pifarély, Vincent Courtois, Laurent Dehors, François Raulin ou... Lambert Wilson...).
Réunis pour la première fois en trio, à l’issue d’une résidence de création au Carré Bleu, tous les trois ont collaboré deux par deux à de multiples projets et se connaissent depuis longtemps. Unis par une grande complicité et une longue amitié, ils abordent ce répertoire, forts de leurs expériences de collecteurs, improvisateurs, arrangeurs, compositeurs dans des domaines aussi variés que le jazz ou les musiques trad’, mais aussi la chanson, les musiques de film ou de théâtre...

Parce que, comme Jean-Luc, on est généreux : l’entrée au concert est gratuite...
Parce que, comme Jean-Luc, on aime partager : nous vous invitons à nous rejoindre à un petit pique-nique dominical après le concert.
Parce que, comme Jean-Luc, on a beaucoup à donner : nous vous offrons les huîtres.
Parce que, comme Jean-Luc, on aime les échanges et les bonnes choses : vous êtes invités à nous ramener un petit frichti, une jolie bouteille ou quoi que ce soit d’autre qui nous régale les papilles (à cueillir, par exemple, sur le marché des Couronneries, juste avant le concert, à 1 mn à pied du Carré Bleu).
Et parce que, comme Jean-Luc, on est un peu joueur ; pour digérer : pétanque, belote et palet vendéen...

Pour ce « Joy Spirit », son tout premier disque solo fraîchement édité sur Quarks, le label d’Edward Perraud et Hasse Poulsen, le plus passionnant des bugleurs en exercice nous livre une petite dizaine de miniatures, chacune dédiée à une personne qui aura compté dans sa vie, donc dans sa carrière. Parce que, si l’on est en droit (et à juste titre) de penser que c’est son formidable talent qui l’a amené au firmament des plus grands improvisateurs, lui pense plutôt qu’il doit tout aux rencontres. Et lorsque l’on sait que la première pièce de ce disque est un hommage à... Bernard Prouteau, on comprend mieux pourquoi l’animal a souhaité en fêter la sortie en nos murs...
Depuis sa première venue chez nous, en ’98, c’est une belle et longue histoire qui lie le Carré Bleu et le trompettiste.
Une histoire avec de l’humain, beaucoup, du sentiment, forcément, et de la musique, aussi, la plus belle, celle qui vient du cœur. Et le cœur, chez un personnage de cette trempe, il est gros comme ÇA. Il prend toute la place même. En tout cas, celle de l’ego, des rancoeurs, des jalousies, de la soif de reconnaissance, de la course à la carrière et, donc... au fric.

À écouter : « Joy Spirit » (2010, Label Quark Records). Disponible sur www.quarkrecords.com.

Ceux qui ont pu assister en 2004 au concert Assif Tsahar / Cooper-Moore gardent certainement encore en mémoire ce moment d’intense jubilation. Depuis, le duo s’est transformé en ce Digital Primitives, avec l’arrivée du batteur Chad Taylor, pilier des scènes créatives rock et jazz de Chicago et New York (Marc Ribot, Tortoise, Charles Gayle, Transam, Joe Mc Phee, Henry Grimes, William Parker, Chicago Underground duo, trio, quartet...). Loin de nuire à la profonde cohésion du duo originel, il en renforce au contraire le groove imparable et y apporte même un semblant de sérénité avec sa gestuelle toute en retenue, son calme impérial, qui ne sont pas sans rappeler un certain Charlie Watts (la comparaison s’arrêtant là...). Une sérénité pourtant bien chahutée par le chant déchiré du free de Tsahar et les instruments improbables (arc à bouche, banjo approximatif, percussions culinaires...) sortis de l’imaginaire fertile de Cooper-Moore, performer halluciné et hallucinant, poète et scater fou, débarqué d’on ne sait quelle planète lointaine.
À eux trois, ils invoquent tous les esprits de la Great Black Music, ses racines africaines, blues ou gospel. Leur plaisir de jouer, de partager, embarque le public dans une transe tribale jouissive, absolument hypnotique. Et lorsqu’ils concluent leur concert, tous les trois au chant, par un « Happy to be alive » irrésistiblement communicatif, le public, en sueur depuis déjà longtemps, hésite entre monter sur les tables et implorer une grâce salvatrice.

Tous sont déjà venus à Carré Bleu dans des contextes très divers, toujours caractérisés par une impressionnante technique instrumentale et un attrait immodéré pour l'innovation. Ensemble, avec "Hubbub", ils expérimentent une pratique de l'improvisation collective qui donne naissance à une musique nouvelle, inouïe. Une approche esthétique (chaque son, acoustique, doit trouver sa place dans un kaléidoscope multicolore, changeant, bruissant, évoluant incessamment dans une tension presque palpable), inséparable d'une approche "politique" (pas de leader, écoute attentive et respectueuse des autres, liberté d'intervention totale pour chacun…) engendrent des paysages sonores fascinants dans lesquels il suffit de s'abandonner avec délectation.

Comme il y a autant de formes d'improvisation que d'improvisateurs, il y a autant de formes de butoh que de danseurs de butoh. Quand les trois vibrent ensemble, et que ce sont trois grands, c'est magique et fascinant.

25 musiciens
Ce troupeau de mammifères au pelage jaune et noir (ou noir et jaune) se regroupe sous la lune (quand il fait beau) ou sous les projos (quand le temps se gâte) pour de joyeux et ébouriffants rituels polymorphoniques.

Jean-Paul Autin (ARFI, Workshop de Lyon, Trio Apollo, Marmite infernale, etc.) retrouve, après dix ans, Fabrice Barré et son trio pour une musique tour à tour tendre, ironique, sereine, exacerbée, joyeuse, révoltée…

Lors du dernier festival de Mulhouse, Gerry Hemingway est sorti ravi d'un concert de Jean-Luc Cappozzo (avec W. De Joode et P. Lovens). Le lendemain, c'est Jean-Luc Cappozzo qui est sorti enthousiasmé d'un concert de Gerry Hemingway (avec John Butcher). Leur rencontre était inévitable et nécessaire.

Session de résidence à Carré Bleu.
L’électronique se fait animale, le numérique bestial. Les field recordings dessinent des champs de ruines ou une jungle urbaine angoissante. Un rituel où croassent des grenouilles industrielles, où sons d’insectes et bits sauvages se confondent en une faune bruissante. Un entrelacs de lianes soniques à la noirceur fascinante mais où éclosent quelques fleurs aussi bigarrées qu’inespérées.

Pas toujours simple de se faire connaître quand on appartient à une scène aussi fertile que celle de Chicago. À l’ombre, parfois un peu encombrante, de Ken Vandermark s’épanouissent de jeunes pousses souvent méconnues en France. Et derrière le chef de file de cette Mecque des musiques créatives émerge ainsi Dave Rempis, jeune saxophoniste qui n’a déjà plus grand chose à envier à son aîné. Pas même ses sidemen attitrés, parmi lesquels il est allé recruter ses trois compagnons de The Engines.
Fondé en 2005, ce tonitruant quartet rassemble l’une des rythmiques les plus efficaces d’outre-atlantique, un tromboniste que tout le monde s’arrache (Brötzmann, le Globe Unity Orchestra, Joe Mc Phee, Jim O’ Rourke ou même les Stereolab) et un saxophoniste en passe de devenir une nouvelle référence de “l’avant-jazz”, comme ils disent là-bas. Avant-jazz ? Ni pré-, ni post-, simplement un jazz d’aujourd’hui, on ne peut plus contemporain, qui se nourrit autant de l’héritage du free des sixties que du rock le plus actuel. Une musique de son époque donc, toujours aussi vivante, inventive et affranchie des fossoyeurs du jazz-d’avant, taxidermistes d’une musique désormais de répertoire, qui empeste la naphtaline. Si ici, ça sent plutôt un peu la sueur, c’est que ces messieurs n’hésitent pas à aller au charbon, encore, à fouiller, à avancer, pour ajouter quelques nouveaux chapitres à ce bien bel ouvrage déjà centenaire. “Rock’n Roll can never die” disait le grand Neil Young ? Le jazz itou !

À écouter : “Engines” (Label Okkadisk - 2007). Disponible chez Improjazz.