On connaît l’attachement de Dominique Pifarély à notre belle région. Une maison à Civray, plusieurs années en tant que formateur au CFMI ou au Cefedem de Poitiers et, bien sûr, de nombreux concerts au Carré Bleu. Un attachement qui l’a amené à y rencontrer une bonne partie des musiciens avec qui il joue aujourd’hui et qui s’est concrétisé en 2004 par l’implantation en résidence en Poitou-Charentes de son ensemble « Dédales ». Pour cette nouvelle création, on ne sera donc pas surpris de retrouver à ses côtés Éric Groleau mais aussi l’écrivain François Bon qui a passé une partie de sa jeunesse à... Civray. Mais, sans doute plus que des considérations géographiques, c’est une complicité artistique de longue date qui les réunit sur ce projet.
Partant d’un canevas texte/musique, écrits en parallèle avec allers-retours, bousculé, modifié, réapproprié par le travail collectif du quintet, « Peur » tente la confrontation entre écrit et improvisation pour exposer la musique au risque du discours, la contextualiser, politiquement comme sur un plan sensible. Plus qu'un interprète de ses textes, François Bon devient alors un véritable improvisateur, capable de réagir aux sollicitations, aux bousculements des sons, faisant de lui un quasi-chanteur de rock.

À écouter : « En route vers l’homme » (2008, Label Poros)
À lire : François Bon « Bob Dylan, une biographie » (2007, Albin Michel), « Tumulte » (2006, Fayard)

L'Oeil du Cyclone
Guitariste discret, au jeu subtilement virtuose, Christophe Limousin poursuit son petit bonhomme de chemin depuis plus de 20 ans. De Sandrine Kiberlain (mais oui !) à Claude Barthélémy, de Fawzy Al Aidy à Lolo Bellonzi, son parcours éclectique force le respect. Pour ce nouveau projet, il a souhaité s’entourer de complices de longue date (Didier Fréboeuf, Guillaume Souriau, qui officiaient avec lui au sein du quintet Mas d’Azil) mais aussi de musiciens qui ont croisé sa route au cours des dernières années.
En résidence de création au Carré Bleu depuis janvier 2008, cette formation à 83 % picto-charentaise, imaginée sous la forme d’une réunion de compositeurs et d’improvisateurs, se propose de travailler de façon collective autour des compositions du guitariste et du pianiste. Le but avoué : explorer les territoires incertains entre jazz, musique improvisée et rock avec pour influences claires et assumées Monk, Ellington, Frisell, mais aussi Hendrix, Led Zeppelin ou encore Zappa.
Un discours musical ouvert qui ravit par la douceur, la violence et l’humour de leurs chants unifiés.

À écouter : Trio Areli « Oleoduc » (2003, Label Vert Midi)
Fréboeuf / Souriau / Groleau « En concert » (2005)

Mystérieusement disparu en novembre 1970, Albert Ayler aura sans doute marqué comme personne l’histoire du free jazz. Près de 40 ans plus tard, le souffle brûlant de cet ange maudit continue à déranger les oreilles les plus prudes. Les autres savent depuis longtemps déjà qu’il a à lui seul enfoncé beaucoup des portes empruntées aujourd’hui par les musiciens épris de liberté.
Réuni à l’initiative de Roy Campbell, ce formidable quartet lui rend un vibrant hommage, parfaitement respectueux puisque totalement ouvert à tous les possibles. Les thèmes du grand Albert seront peut-être repris, mais pas forcément. Mc Phee jouera, comme son aîné, du saxophone, ou peut-être seulement de la trompette. Puisqu’il ne faut rien s’interdire. Mais une chose est sûre, l’esprit sera là et avec lui toute l’histoire de la Great Black Music américaine. Une musique dévastatrice, au swing implacable, qui, le temps passant, n’a rien perdu de son lyrisme ou de sa violence. Freedom Now !

A écouter : Other Dimensions in Music ( Roy Campbell 4tet ) « Live at the Sunset » (2006, Label Marge)
Disponible sur http://futuramarge.free.fr

Quand Hasse Poulsen ne travaille pas à explorer plus en avant les possibiltés de la guitare, il.... écrit des chansons. Des vraies. Des chansons de song-writter au sens le plus classique du terme. Au cours des nombreuses tournées qui l’ont menées aux quatre coins du globe, dans l’avion, dans les taxis, à l’hôtel, il a composé ce bouquet de ballades, puisant dans les traditions américaines ou anglaises avec lesquelles il a grandi. Et, comme il n’est jamais là où on l’attend, en plus d’une rare inventivité instrumentale, on découvre aujourd’hui sa voix, splendide, profonde (on pense à Tom Waits, à Léonard Cohen). Nouveau répertoire, nouvelle facette de ce musicien essentiel, qu’il vient nous faire découvrir accompagné de deux amis de longue date, Henrik Simonsen, éminent bassiste danois, et le tout simplement génial Edward Perraud.

À écouter : Das Kapital « All Gods have children » (2006, Label Quark Records)

Pateras - Baxter - Brown 
Éblouissant au piano préparé, impérial derrière son lap top, Anthony Pateras aura sans conteste marqué les esprits lors du festival NPAI 2008. Le voici en trio, entouré de deux magnifiques défricheurs de sons, à la recherche comme lui d’un ailleurs musical. Instruments préparés, détournés, techniques étendues, une infinie diversité des approches capable d’offrir une musique à proprement parler inouïe.

The Necks
Près de 20 ans d’existence, 14 albums, un dossier de presse aussi épais que dythirambique, The Necks est une formation véritablement culte en Australie. Et pourtant pas la moindre campagne de com’, des disques parus sur des labels plutôt confidentiels et des musiciens d’une discrétion exemplaire. L’enthousiasme de ceux qui ont eu la chance de les écouter en concert et le bouche à oreille auront suffit à construire cette réputation. Totalement hypnotique, leur discours transcende tous les styles pour donner naissance à une espèce de mantra musical qui transporte l’auditeur dans un état d’euphorie méditative, une expérience quasi religieuse, mystique.

Sextet inédit
Pour clore cette soirée 100 % australienne, ces deux trio fusionneront en un sextet totalement inédit pour un 3ème set d’explorations sonores qui donnent à entendre de réelles nouvelles perspectives au vaste champ des musiques improvisées. Salutaire !

À écouter : Pateras / Baxter / Brown, Interference (2008, Label EMD.PL Records)
The Necks, Mosquito / See Through (2004), Tonwsville (2007, Label RER)
Disponibles chez Metamkine

Le Bonheur est une comédie qui conte l’histoire à la fois drôle et tragique d’un paysan russe, Khmyr, à qui rien ne réussit. Ce moujik est persécuté par l'autorité de l'ancienne Russie, le pope, le fonctionnaire des impôts, le koulak et son livre de dettes... Lassée de cette vie misérable, sa femme l’envoie à la recherche du bonheur, qu’il finira par trouver au sein d’une coopérative agricole.
En résidence au Carré Bleu depuis le mois de février, le tout nouveau quartet de Vincent Boisseau s’est attelé à la mise en musique, entre écriture et improvisation, de ce monument du cinéma soviétique pour en transcender les images, le sens, l’esthétisme et l’émotion et pour redonner au 7ème Art cette dimension de spectacle vivant qu’il a perdue avec l’abandon du cinéma muet.

Réunis à l’initiative de Jean-Luc Cappozzo autour de la fabuleuse section rythmique Avenel / Betsch qui accompagna Steve Lacy pendant de nombreuses années, sept des trompettistes les plus marquants et les plus novateurs de la scène internationale se retrouvent au Petit Faucheux de Tours pour un « Trumpet Summit » d’anthologie, les 23 et 24 mai. L’occasion pour nous d’attraper au passage ce quartet inédit pour un petit tour de chauffe avant ce festival de pistons.
Quatre musiciens au sommet de leur art avec comme points communs une sensibilité profonde, une ferveur intense et généreuse, une sensualité gourmande et curieuse, une authenticité sans faille… Et, bien sûr, un goût partagé pour la liberté d’expression et d’invention de leurs aînés Ornette Coleman, Eric Dolphy, Albert Ayler, John Coltrane ou, trompette oblige, Don Cherry.

En quartet, en sextet, en big band, en chœur ou en fanfare, les élèves des ateliers Syrinx et les profs qui les animent font la fête à tous les jazz (swing, bop, jazz rock, funk, soul…) et à leurs cousines latines (salsa, samba, bossa-nova…). Un rendez-vous annuel festif et convivial.

Dolphy, le grand défricheur, l’avait sortie du pupitre d’orchestre pour la propulser sur le devant de la scène, mais c’est en France que, depuis quelques décennies, la clarinette semble tracer sa voie royale dans le jazz et les musiques improvisées. Michel Portal, Jacques Di Donato, Louis Sclavis, Sylvain Kassap et aujourd’hui Jean-Marc Foltz qui s’impose comme l’un des clarinettistes les plus inspirés et novateurs de la scène européenne. Époustouflant de facilité technique et d’intelligence musicale, il possède une solide expérience dans le domaine de la musique contemporaine la plus radicale. Longtemps membre de formations prestigieuses - l’Ensemble Intercontemporain, le groupe Accroche Note, l’ensemble Alternance - il va insensiblement dériver du côté de pratiques musicales plus ouvertes à l’imprévu. On le retrouve alors aux côtés de Bill Carrothers, Claude Tchamitchian, Stephane Oliva ou Bruno Chevillon. Aujourd’hui, le sideman est devenu leader et s’est adjoint les services d’une rythmique de rêve. Tension et relâchement, douceur après le tumulte, éclats de free, sons hypnotiques... Un univers sonore d’un raffinement extrême, à la fois rigoureux et aventureux, expérimental et sensuel.

Si les musiques improvisées actuelles sont en partie issues de la révolution free du jazz des années 60, on sait qu’elles se nourrissent aussi largement des expérimentations sonores de la musique contemporaine. Une filiation qui semble en tout cas évidente à ces quatre musiciens qui ont décidé de confronter leurs expériences respectives. Tous deux issus de l’Ensemble Ars Nova, Michel Maurer et Alain Tresallet sont parfaitement rompus aux pratiques virtuoses imposées par le répertoire contemporain. Jean-Luc Cappozzo et Edward Perraud, qui ont déjà souvent régalé les oreilles des fidèles du Carré Bleu, rivalisent de finesse et d’inventivité et se sont imposé en quelques années comme deux figures incontournables des musiques créatives. Une rencontre au sommet, inédite, avant de retrouver les quatre compères dans les studios de Radio France pour l’excellente émission À l’Improviste, animée par Anne Montaron sur France Musiques.