« Grand inspirateur du jazz électrique, magicien du blues aux mélodies resourçantes, sculpteur sur pâte électrique sonore, dompteur du larsen sauvage… » C’est ainsi que Jef Sicard, pionnier du free jazz en France et directeur du big band du Conservatoire d’Angoulême, parle de Jimi Hendrix. Pour lui rendre un hommage à la mesure de son talent, il a électrifié sa clarinette basse et s’est entouré de musiciens familiers d’un funk électrique issu du jazz-rock et du rythm and blues. Arrangements inédits de quelques titres du guitariste visionnaire, compositions originales inspirées de ses plus folles improvisations, constituent un programme qui respecte et prolonge l’essentiel : l’originalité du son, l’intensité du feeling, les débordements d’imagination et la liberté  créatrice.

Dans la (petite) famille mondiale des nouvelles musiques improvisées, ces trois-là sont des grands. Habitués aux prestations-performances en solo, en duo ou en trio, comme aux rencontres, régulières ou impromptues (avec, entre autres, Barre Phillips, Beñat Achiary, Daunik Lazro, Peter Kowald, Butch Morris, Paul Dunmall, Dominique Regef, Gérard Montera, Eric M…), ils pratiquent une forme d’improvisation sans la moindre concession, à la fois totalement libre, rigoureusement exigeante et d’une incroyable richesse. La pâte sonore mouvante travaillée, sculptée, ciselée, par le souffle de Michel Doneda, les chocs et les frottements  des cymbales, des gongs et des peaux de Lê Quan Ninh, la danse primitive de Paul Rogers avec sa contrebasse ronronnante créent des instants musicaux inclassables qui exercent, sur qui accepte d’oublier ses références, une irrésistible fascination.

Equilibre, lyrisme, swing, contrastes… Le jazz de ce jeune trio (il a été créé en 1995 et ses membres ont entre 22 et 25 ans) est tout empreint de la douceur de vivre des bords de Loire qui l’ont vu naître. Une douceur changeante et paradoxale, comme celle du ciel dont l bleu lumineux peut s’animer subitement de tumultueux nuages blancs poussés par le vent venu de l’océan, comme celle de la Loire dont la nonchalante langueur peut basculer brutalement dans l’imprévisibles et sauvages débordements .De conservatoires en écoles de jazz, de clubs en festivals, Cédric Piromalli, Sébastien Boisseau et Nicolas Larmignat ont forgé très vite un jeu collectif d’une confondante pertinence.

Jean-Marc Padovani a réuni cet étonnant quartette afin de poursuivre son entreprise de métissage culturel, d’hybridation de racines traditionnelles, d’ensemencement musical, par le vigoureux apport d’un jazz hyper-fertilisant. C’est dans ses jardins méditerranéens qu’il a mis au point ses premières expériences de polyculture (extensive ? intensive ?) sur le flamenco et le paso-doble. Puis il est allé à Angkor creuser quelques sillons de musique traditionnelle khmère. En retrouvant le ciel et le sol de ses origines, il a eu envie d’ajouter quelques plantes exotiques à la flore indigène .Aux parfums enivrants que libère une pluie d’orage martelant les terres de Jean Giono, Chants du Monde mêle de puissantes senteurs venues de Louisiane ou d’Afghanistan, d’Auvergne ou du Sahara, d’Argentine ou de Roumanie…

Attention : événement. Joe Maneri est sans doute l’un des génies musicaux les plus atypiques du XXème siècle. Compositeur pour le Boston Symphony Orchestra, professeur au New England Conservatory, administrateur de Schoenberg, Berg, Boulez, Messiaen, il a inventé un système microtonal (de 72 tons par octave). Dès les années 40, il pratiquait une improvisation à 12 tons qui intriguait les jazzmen de l’époque, intéressés mais un peu déroutés par ses « fausses notes ». Il fallut attendre 1993 pour qu’un label de jazz lui propose, à 66 ans, d’enregistrer un disque. Aujourd’hui, le monde du jazz a enfin pris conscience de l’importance de son étrange musique.
« Cette musique, dit-il, c’est juste de l’improvisation qui ne cesse de se développer. Je ne joue pas du Schoenberg, du Beethoven ou du Liszt, je ne joue rien d’autre que du jazz, j’ai l’âme d’un musicien  de jazz, j’ai du jazz dans mon cœur car je ressens la peine que les Noirs ont dû traverser.
Et les Noirs sont mes amis : nous avons été à l’école ensemble ».

La voix de Beñat Achiary semble réunir toutes les qualités qu’on peut attendre d’une voix (timbre, étendue, justesse, flexibilité, agilité, intensité…), de toutes les voix (celle du rocker, du crooner, du chanteur de jazz ou de flamenco, du berger basque ou du chanteur de bel canto), plus une : la liberté. Une liberté totale qui exige qu’aucun son qui puisse sortir de la bouche soit exclu du domaine du chant, qui permet toutes les inventions, toutes les fantaisies, toutes les improvisations, l’expression des émotions les pus inattendues. Rarement, cette voix aura été mise en valeur avec autant de passion complice et d’imagination poétique que par le contrebassiste Kent Carter et le batteur David Holmes qui poussent le chant vers des rivages inconnus, somptueusement sauvages.

Sylvain Kassap et Jacques Mahieux sont tous les deux membres du collectif Zhivaro (avec Henri Texier, Claude Barthélémy, Didier Levallet et Gérard Marais), dont Jacques Veillé, l’inénarrable tromboniste de l’Effet Vapeur, a été souvent l’invité. Veillé et Mahieux font partie de l’octet de Kassap. Kassap et Veillé ont accompagné le tour de chant de Mahieux. C’est dire si, depuis un peu plus d’une dizaine d’années, ils ont eu de fréquentes occasions de se rencontrer dans des contextes très divers. Ce concert de ce trio inédit promet de laisser la part belle à l’improvisation qui n’est rien d’autre, selon Sylvain Kassap, que de la composition  instantanée. « Produire une note, dit-il, c’est produire du sens et c’est projeter des intentions qui influent sur la musique. On doit les insérer dans un « interplay ». On doit projeter son propre discours et l’intégrer dans le jeu collectif pour construire un discours commun ». Chacun propose des tempos, des timbres, des phrases, jouant contre les autres ou jouant avec, dans la plus joyeuse liberté.

Au printemps dernier, « Lolo » Bellonzi faisait un tabac à Carré Bleu où il présentait son nouveau quintet Lolobô, nommé ainsi en souvenir d’un petit village africain traversé lors d’une tournée en Afrique. Il y avait dans la salle, un auditeur particulièrement touché  car Lolobô était le village de sa grand-mère. C’est un signe. Ce soir, « Lolo » revient à Carré Bleu pour présenter à ses nombreux amis et admirateurs son tout nouveau disque, un concentré de hard-pop très actuel, à offrir à tous ceux qui aiment le vrai jazz.

Fureur, incandescence, délire… La musique torride de ce jeune hongrois débarqué à Paris il y a quelques années vient de le propulser sur le devant de la scène. Sans papiers ni domicile fixe, il vivait de petits boulots et jouait dans les bistrots, les prisons, les banlieues, avant que le groupe Noir Désir le remarque, l’invite en première partie de sa tournée et le présente à Polygram qui n’hésite pas à miser sur lui et sort deux disques, un en studio et un en live. Akosh S. est un phénomène, fou de free jazz et de folklore hongrois, mais aussi de Led Zeppelin, Bela Bartok, Public Ennemy, Penderecki ou Prince, qui a trouvé sa voie en écoutant Archie Shepp et Albert Ayler. A découvrir de toute urgence.

Cela fait plusieurs années que ces deux jeunes musiciens belges travaillent ensemble, cherchant expérimentant, essayant des sons nouveaux, rencontrant d’autres musiciens (Kent Carter, David Holmes…) pour des soirées totalement improvisées… Et puis ils ont trouvé ce qu’ils cherchaient, ils ont atteint ce moment magique où les musiciens s’oublient pour ne plus former qu’un être musical, cet état d’apesanteur où ils s’effacent pour laisser toute la place à a musique. Une musique inventive, grouillante de vie et de surprises, qui emporte le public très loin des sentiers battus.