Joëlle Léandre a fait de sa vie une aventure musicale, avec tout ce que cela suppose de curiosité obstinée, ce qu’il faut assumer de prise de risque, et ce que cela réserve de stimulantes rencontres. Soliste interprète des plus prestigieux orchestres de musique contemporaine (2E2M, Itinéraire, Ensemble Intercontemporain…), compositeur, cette fille de cantonnier d’Aix-en-Provence qui ne cesse de trimballer sa contrebasse autour de la planète (New York, Chicago, Buffalo, Tokyo, Londres, Berlin, Anvers, Genève, Paris…), se sent avant tout improvisatrice. En solo (des chef-d’œuvres d’humour et de créativité), en duo (avec Annick Nozati, Irène Schweizer, Maggie Nicols, Daunik Lazro, Carlos Zingaro, George Lewis, Yves Robert, Eric Watson, Tom Cora, et tant d’autres…) ou dans des formations plus larges, elle semble toujours jouer des scènes de la relation intime qu’elle entretient avec sa contrebasse (un instrument « qui porte à la contestation ») : escarmouches vigoureuses ou tendres attouchements, effusions passionnées ou jeux farfelus, frissons de panique ou feinte indifférence… Pascal Contet, membre de l’Ensemble Ars Nova (au sein duquel le public poitevin a pu l’entendre lors de la création de la Messe de Bernard Cavanna), est en train de donner à l’accordéon une place inattendue dans la création contemporaine (Berio, Kagel, Globokar, Drouet, Cavanna, Rebotier, Naon, Léandre…). Ces deux musiciens d’exception emmènent la contrebasse et l’accordéon au sommet de leurs possibilités d’invention et d’expression. 

« Quel rapport y a-t-il entre le tango, le chant grégorien, le jazz et l’avant-deux ? À Poitiers, c’est Manolo Gonzalez. Il chante, il joue du piano, du bandonéon (mais aussi de la trompette et du trombone), il compose, il arrange, il dirige, il accompagne, il enseigne, il suscite, il rassemble, il séduit, il convainc… Il est, depuis plus de trente ans, une figure incontournable du panorama musical poitevin. Le quartet « Incidences » s’est constitué au sein de « Coïncidences », l’Orchestre Régional Jazz, dont Manolo a abandonné provisoirement  la direction pour se mettre au piano en compagnie de trois solistes. Quatre musiciens qui, habituellement réunis en grand orchestre sur un répertoire de créations, font revivre le grand répertoire du jazz en le revisitant à la lueur de leur sensibilité du moment, dans l’équilibre instable d’une modernité fragile inscrite sur une tradition mouvante.

« Baptiste Trotignon est, sans aucun doute, l’un des plus brillants pianistes de jazz de sa génération. Son jeu démontre qu’il n’a non seulement parfaitement assimilé l’essentiel de la tradition du jazz avec un sens du swing peu commun, mais encore qu’il est capable d’exprimer des idées tout à fait originales, le tout étayé par une technique sans faille. Vous en entendrez parler… » C’est Martial Solal qui parle ainsi de  ce jeune pianiste nantais de 24 ans qui, depuis qu’il est « monté » à Paris en 1995, ne cesse de surprendre les musiciens avec lesquels il joue (George Brown, Albert Mangelsdorf, Steve Potts, François Moutin, Stéphane Belmondo…) par sa fougue et sa maturité. Il vient de constituer son premier trio avec le contrebassiste Clovis Nicolas (25 ans), monté également à Paris la même année, et Tony Rabeson, le batteur de l’Azur Quartet d’Henri Texier qu’on a pu entendre auprès d’Eddie Louiss, Martial Solal, Michel Portal, Dave Liebman ou Wayne Shorter.

Jeudi, il présente son trio, à la formation insolite, où il mêle le discours cristallin du piano au chant grave et lyrique du baryton de François Corneloup et de la contrebasse de Bruno Chevillon. 

Le lendemain, dans un tout autre répertoire, il a constitué, avec Jazz de Ville, un quintet très cuivré, où le discours pianistique sera confronté aux éclats d’une trompette et d’un trombone, en écho au travail qu’il mène actuellement avec des brass bands.

François Raulin, le pianiste régulier des différents groupes de Louis Sclavis, est un esthète curieux et exigeant. Son jeu percussif, précis et subtil, puise son inspiration dans une multitude de musiques, populaires ou savantes, européennes, africaines ou orientales, tout comme dans le meilleur du jazz. Depuis deux ans, avec son collègue le pianiste Stéphane Oliva (qui avait donné, à la Médiathèque, une remarquable série de conférences sur l’histoire du piano dans le jazz) il a entrepris d’interviewer tous les pianistes européens qui comptent aujourd’hui en vue d’une publication qu’on attend avec impatience.

« Traditionnelle, contemporaine, orale, écrite, improvisée, théâtrale, la percussion est vivante, innovante et chantante », affirment Gérard Siracusa et Youval Micenmacher qui sont sans doute, depuis plus de vingt ans, les perscusionnistes les plus inventifs  de la scène française. Tous les deux n’ont cessé de mener une double recherche sur la musique d’une part (les instruments, les timbres, les formes, l’improvisation, l’écriture, la tradition, la création contemporaine…) et sur le spectacle d’autre part (danse, théâtre, opéra…).

Spécial Percussion est un véritable spectacle musical, créé pour une tournée en Inde, et pour lequel Youval Micenmacher est venu ajouter ses percussions orientales digitales au duo qu’avait constitué Gérard Siracusa avec Valentin Clastrier, le vielleux pas comme les autres, révolutionnaire et mutant, qui a mis au point, avec son luthier, une vielle à roue alto électroacoustique à 27 cordes (au lieu de 6) qui multiplie les possibilités de l’instrument. Trois immenses solistes qui nous promettent un étonnant concert, « à tiroirs et à surprises ».

Jef Sicard est l’un de ces musiciens rares dont on n’a jamais entendu une note inutile, un plan facile, un cliché complaisant. Dès la fin des années 60, il faut l’un des pionniers de l’improvisation libre en France. Depuis, avec des compagnons de route tels que Didier Levallet, Alan Silva, François Tusques ou Jean-François Canape, il n’a cessé de poursuivre avec une absolue sincérité les voies ouvertes par Ornette Coleman, Eric Dolphy ou Albert Ayler, enrichissant son parcours singulier de ses passions pour le chant grégorien ou les musiques orientales et de ses compagnonnages buissonniers avec l’ARFI, Alfredo Rodriguez ou Raoul Barboza. Pour constituer ce trio inédit, il a invité François Laizeau, batteur de l’actuel ONJ de Didier Lavallet, dont le parcours musical est aussi impressionnant : Magma, Tania Maria, Alan Stivell, Quartet Céléa-Couturier-Pifarély-Laizeau, Charlebois, François Jeanneau, Claude Barthélémy, Andy Emler, Martial Solal, Michel Legrand, Eddy Luis, Denis Badault, Louis Sclavis, Michel Portal, etc.

Des chansons poétiques, drôles, décalées… De petites histoires tendres ou farfelues, mises en musique, mises en jeu, presque mises en scène… Dans ce spectacle, qui correspond à la sortie de son disque enregistré avec Laurent Dehors aux saxophones et aux clarinettes, Bleu Claire flirte aussi bien avec le jazz et la chanson française, qu’avec le rap, la canzonetta, le tango, le lied, le musette, le funk ou la cantilène…

Quartet issu d’Inconscient Collectif, Bleu Claire explore, dans l’improvisation comme dans l’écriture (la plupart des compositions sont dues à Claire Bergerault), une formule originale qui joue avec la diversité des rapports possibles entre le son de la voix (son registre, ses timbres, ses modulations, les onomatopées…) et ceux des autres instruments, entre la musique et les mots.

On a déjà pu apprécier les talents  de compositeur de Fabrice Barré au sein de l’Offlet (dont il assurait également la direction), de clarinettiste au sein du trio Pouget-Soulette-Barré (inspiré des musiques traditionnelles) et de chanteur au sein de l’ensemble Absalon (consacré au répertoire grégorien). Avec son quartet « Quatre à quatre » (le bien nommé, car nous sommes à l’opposé de la formule du « un plus trois »), son inspiration se fait plus émouvante et plus sensuelle. On y retrouve son sens de l’équilibre et son élégance mélodique qui s’enrichissent de grandes escapades poétiques, d’incantations ensorcelantes, d’effusions joyeuses et débridées… Dans un tel contexte, le jeu de Jean-François Canape (concentré d’émotion, étincelantes fulgurances…), le pus attachant des trompettistes européens, promet des moments d’une rare beauté .

Marc Ducret est l’un des rares musiciens français de classe internationale qu’invitent régulièrement les meilleurs groupes mondiaux. Aujourd’hui, sa musique tend à se résumer à l’essentiel, et plus elle se concentre, plus elle révèle, dans une intense et lumineuse évidence, son extrême richesse. 

Chaque note semble avoir une vie propre, une histoire qui la renvoie à d’autres histoires, tissant des liens avec mille autres musiques, celles de Wes Montgomery, de Jimi Hendrix ou de Bill Frisell, le blues, la techno, le rock, le free, la musique contemporaine ou les tubes yé-yé… Une histoire qui tisse aussi des liens fulgurants entre Ducret et ses partenaires, Ducret et sa guitare, Ducret et la musique, Ducret et lui-même… 

Chaque note est le lieu d’un carambolage d’émotions multiples, composites jusqu’à se contredire. Éblouissante catastrophe dont on ne peut sortir que par la tension, qu’elle porte déjà en elle, vers la note suivante, vers les notes suivantes, par des chemins qu’on sait imprévisibles. 

L’élégante et savante déconstruction du discours structure le temps  de l’écoute en un scénario plein de suspense, de surprises, de gags, de citations, de couleurs, de climats, enrichi et commenté avec une joyeuse pertinence par deux fortes personnalités parfaitement complémentaires.