Dix ans de programmation et pas une saison sans que l’immense Daunik ne vienne rugir au Carré Bleu. Plus qu’une fidélité inconditionnelle, une véritable admiration pour celui qui restera l’une des figures les plus marquantes des musiques libres de ces quarante dernières années.
Pour son quartet numéro six, il a convoqué à ses côtés trois fortes personnalités, tout aussi magistrales et intègres que lui : le violoniste Michael Nick, compagnon de route du saxophoniste au sein du NOHC de Didier Petit, Sophie Agnel, experte en fouilles profondes dans le corps même de l’instrument, et Jérôme Noetinger, poète sauvage et délicat de l’électro-acoustique.
Qwat Neum Sixx associe donc acoustique et sources électroniques dans un continuum qui, entre vide et (trop) plein, vise à questionner les limites instrumentales et la nature même de l’objet musical. Leur concert, en juillet dernier aux NPAI de Parthenay, fut pour beaucoup le plus beau moment du festival. Séance de rattrapage pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’y être et nouvelle extase assurée pour ceux qui ont déjà assisté à ce moment rare, d’une profonde intensité.

Ils étaient là pour notre dixième anniversaire, on pouvait pas les rater pour leur quinzième !
En musique improvisée, les formations éphémères sont souvent légion. Des plaisirs de l’instant qui font des souvenirs précieux, mais qui créent parfois autant de frustration. Hubbub est l’un des rares groupes du genre à tenir depuis si longtemps. Et donc à mûrir aussi. C’est beau l’instant, mais quand il se prolonge, quand il se renouvelle… Et voir s’affirmer sur la longueur cette communion unique dont ils faisaient déjà preuve à leurs débuts, c’est comme une grande leçon. Une leçon de musique, forcément, une leçon de vie aussi. Parce qu’un tel engin, il faut le tenir dans le temps. Dans un monde qui laisse somme toute assez peu de place à ce genre de propos. Certains y ont laissé des plumes, d’autres brûlé leurs ailes, mais eux ils tiennent la barre, pour la placer toujours un peu plus haut.
Ils ont tous joué partout et avec tout le monde. On a déjà tout dit sur le talent ou la virtuosité de chacun. On a pu lire parfois qu’il s’agit sans doute de la formation la plus jouissive qui soit…
On pourra dire ce qu’on veut, Hubbub c’est immense et puis c’est tout. Et même ça c’est encore trop réducteur.

Depuis maintenant quatre ans, Isabelle Duthoit travaille en étroite collaboration avec Franz Hautzinger, véritable révolutionnaire de la trompette. Un duo hors norme, énorme, qui navigue entre le concret et l’abstraction totale. Un binôme fusionnel mais capable de s’ouvrir à tout, comme on aura pu le vérifier à Mulhouse l’an passé lors d’un concert mémorable où ils battaient le fer avec John Tilbury et Keiji Haino.
Accueillis en résidence pour la prochaine édition de l’incontournable festival Musique Action, ils ont souhaité poursuivre leurs explorations en mêlant à leurs souffles l’électronique en mouvement de deux « platinistes » allumés pour y créer ce nouveau quartet inédit.
Deux types de sources sonores que tout semble opposer, souffle animal versus circuits imprimés, physique contre mécanique, mais qui se fondent en un maelstrom vibrant qui laisse s’effacer les instruments pour donner naissance à une musique de haut vol, articulée et complexe. Quatre identités fortes, aux propos contrastés, qui partent à la découverte de leur unisson.

C’est le tout nouveau tout beau quartet de l’insatiable Pif. Avec du lourd côté rythmique et un « jeune » pianiste dont on cause déjà pas mal depuis plusieurs années et qu’on a pu entendre à Poitiers dès 2004 au sein du 11tet de Marc Ducret.
Nouveau quartet, nouveau répertoire et toujours une constante, la musique de Dominique Pifarély. Intuitive même dans l’écriture la plus complexe, millimétrée même quand les portes s’ouvrent grand sur l’improvisation et toujours d’une richesse et d’une sincérité remarquables.
Une terre de contrastes où d'équilibre en disjonctions, de directions affirmées en effacements, tournent les lignes du jazz et les formes de la musique d'aujourd'hui en un ensemble rythmique toujours en évolution. Les passages à l’unisson émergent d’intenses moments d’improvisation, puis se fondent en canons décousus, en fugues étranges ou en contrepoints lumineux.
Pulsation intérieure intense, échappées lyriques, variété des textures… ils naviguent sans relâche entre exactitude rêveuse et incertitude assumée.

À Poitiers, c’est pas les idées qui manquent. Et quand Ars Nova propose au CESMD un stage d’improvisation avec Pascal Contet, il ne nous reste qu’à sauter sur l’occasion et profiter de sa présence en Poitou pour l’inviter chez nous.
Interprète prisé du répertoire contemporain, pédagogue généreux, Pascal Contet est aussi un improvisateur de choix. Et plutôt rare sur cet instrument qui a toujours du mal à sortir des clichés populo-musette. Ce qui ne le rend pas moins noble pour autant mais toujours désespérément absent de l’histoire des musiques improvisées. Eminemment regrettable quand on voit l’étendue des sons, des registres qu’il est possible de tirer de cette boîte à soufflet…
Et en la matière, peu en auront exploré à ce point le potentiel. À tel point qu’il incarnerait presque à lui tout seul l’accordéon contemporain. Et tout ça sans se cantonner à des histoires de techniques, plus ou moins étendues, de virtuosité, pourtant indiscutable. Pascal Contet, c’est avant tout un très grand musicien, bien au-delà de l’instrumentiste. Et l’écouter, qui plus est en solo, reste une expérience à part. À faire frémir d’horreur les ayatollahs du trad’ peut-être, mais de quoi combler toutes les oreilles un tant soit peu curieuses…

Cinquième épisode pour cet ambitieux programme d’échange entre Chicago et la France. Et pour l’occasion, un alléchant quartet flambant neuf. Ou disons flambant. Car cette sorte de "nouveauté" que se proposent de mettre à l'œuvre ces quatre oiseaux migrateurs savoure aussi l’érosion, l'action du temps et de la vie intérieure sur la musique, tout ce qui la travaille ou la ronge.
Nouveauté peut-être, qu'à cela ne tienne, puisque que l'on pourrait présenter ces quatre musiciens par tous les genres qu'ils sont en mesure d'aborder, et de déborder. Parce qu'ils ont joué, en vrac, sur les scènes françaises ou américaines, avec le convulsif Joe McPhee, avec le gargantuesque Surnatural Orchestra, avec le sidérant Roscoe Mitchell, avec l'énigmatique trio En Corps (en compagnie de Benjamin Duboc et d'Edward Perraud)… Le ramage et le plumage des genres, du jazz d'aujourd'hui à la chanson de demain, en passant par la noise et la musique improvisée.
Nouveauté encore que cette instrumentation – une flûte, un piano, un violoncelle et une batterie – qui inciterait presque à céder à la facilité en promettant une musique de chambre. Or si cette association de timbres présage du moindre feutre, il ne faudrait pas oublier que leurs outilleurs sont suffisamment timbrés pour goûter tous les changements de rôles, pour avoir envie d'envisager le dessous des cartes.

Josselin Arhiman
Suite et fin de la carte blanche offerte à Josselin Arhiman cette année, en attendant de suivre au plus près ses futurs projets.
Après son trio, son solo électronique Grains de Table, on le retrouve seul à nouveau, aux commandes de son instrument de prédilection. Sa musique, toujours d’une extrême délicatesse mais capable d’ourdir des attentats sonores implacables, trouve ici son terrain de jeu idéal. Des doigts qui effleurent tout juste les touches, des clusters qui maltraitent le clavier, des univers qui s’ouvrent en grand pour s’éteindre en une note unique, pure, frêle mais implacable. Tout à l’image de ce personnage lunaire dont on a hâte de connaître les prochaines errances musicales.

Bi-Ki ?
Dans le cadre des échanges initiés il y a maintenant six ans entre Jazz à Poitiers et Muzzix, et après avoir accueilli cette année Josselin Arhiman dans leur nord, nos collègues Lillois nous proposent de découvrir le duo Bi-Ki ? Soit deux saxs, complètement alto, qui donneraient à entendre… tout sauf du sax alto… Deux voix qui s’entremêlent, se suivent, s’évitent, qui explorent de mariages en divorces toutes les facettes de l’instrument, la densité du timbre comme sa fragilité et qui jouent avec l’espace sonore, qu’il soit réel ou fantasmé. Une écriture aussi minutieuse que grande ouverte sur toutes les intuitions, un travail d’orfèvres qui prennent plaisir à jouer les tâcherons, du sax sans sax, des drones sans électronique… et des sensations auditives troublantes, à s’en affoler les tympans.

 deux demoiselles parfaitement allumées se lancent à corps perdus dans une course folle à l’éclectisme et au décalage, tout à la démesure de leurs talents. Et il faut une sacrée dose de bon goût et une méchante maîtrise instrumentale pour s’autoriser de cette manière tous ces dérapages plus ou moins contrôlés. Ces virées sonores les plus déroutantes, ces sauts du singe à l’âne, du jazz au rock, d’une chansonnette nippone à un boogie-woogie déglingué. Un sacré boulot, exécuté avec cette décontraction agaçante des gens naturellement doués pour toujours trouver la bonne voix. Elles peuvent tout oser et ne s’en privent pas, avec toute l’insouciance de leur jeunesse et toute l’assurance de ceux qui ont déjà pas mal bourlingué. Les obscures scènes noise-rock japonaises ou les grands festivals, les rangs des stages d’impro mulhousien ou ceux de l’ONJ, les impros débridées comme les partoches les plus complexes, le noble piano ou un curieux sex-toy, la vraie batterie comme la boîte à rythme… tout ça elles ont déjà donné, exploré, dynamité.
Une orgie de sons, un feu d’artifice musical sans le moindre pétard mouillé, milles idées à la seconde et rien à jeter, le tout dans un enthousiasme, une sincérité et une générosité propres à enterrer tous les a priori du plus grincheux des exégètes du jazz.

The Bridge fait le pari de faire jouer et circuler quelques dizaines de musiciens parmi les plus actifs et les plus créatifs du champ jazzistique – la moitié basée à Chicago, l’autre moitié dispersée à travers la France – dans toutes les configurations possibles, année après année, voyage après voyage, aventure après aventure.

« Imaginez un plongeon, synchronisé, du haut de la falaise des saxophones et des batteries. Imaginez des plongeurs que leurs saltos et leurs vrilles ralentiraient, un peu comme si ces figures en cascade finissaient par former un invisible échafaudage et par se stabiliser dans l’espace. Comme si la chute des corps était une technique de construction.

Tous les duos et tous les quartettes sont présents dans Twins (mais très peu d’impairs, très peu de solos ou de trios), toutes les figures, tocades et roulades, y passent. Parfois les batteries installent leur campement et laissent les saxophonistes libres d’aller et de venir, de partir en reconnaissance : l’intendance suit, quitte à passer des rythmes en contrebande. Parfois les batteurs batifolent en vélocités contradictoires, tandis que les saxophones cousent de longues lignes plus ou moins perçantes. Il est patent et éclatant que leur entente (leur capacité de démultiplication) repose sur une arithmétique et une arythmétique : bris et brisures des batteurs, haches et hachures des souffleurs, sens de la continuité et de la discontinuité. » Alexandre Pierrepont

Ce jeudi après midi avant leur concert, les musiciens de The Bridge rencontrent les lycéens d'Aliénor d'Aquitaine et les élèves de l'école primaire Micromegas pour faire découvrir le projet artistique The Bridge, échanger avec les musiciens et partager un moment musical.

Charlène Martin explore la voix dans tous ses états. Passant des standards au jazz contemporain ou au free, elle se passionne aussi bien pour le discours écrit que pour l’improvisation spontanée, pour la matière sonore brute autant que pour les beaux textes ou les mélodies subtiles. N’ayant pu se résoudre à choisir entre toutes ces pistes, elle fait le choix de l’éclectisme vocal.

Cette nouvelle formation mêlant voix, cordes et instruments à vents, explorera un répertoire de standards contemporains, pop-rock et jazz, ainsi que des compositions originales, et des improvisations autour de ces différents thèmes, comme un « cabinet de curiosités » poétiques et musicales.

Un voyage ludique, porté par des musiciens explorateurs dans des domaines aussi variés que les musiques contemporaines, le baroque, la pop, l’impro, le métal, ou le jazz d’aujourd’hui. Chaque instrumentiste, par son parcours atypique, enrichit ce voyage sensible, autour d’un répertoire vocal original.

Pour la première de ce tout nouveau sextet made in Poitou, elle invite Claude Barthélémy, grand bonhomme du jazz hexagonal et guitariste fougueux à la verve toujours intacte.

Dans le cadre la résidence de création à Carré Bleu, Songs for 6 présentera un filage au classe de 4ème du collège Camille Guérin avant de rencontrer les musiciens et d'échanger sur le projet artistique et leur parcours.