Depuis 1968, chaque concert du « Workshop de Lyon » (et il en a donné des centaines) est une leçon d’inventivité ludique, subtile et généreuse.
« Et si le Workshop de Lyon était le plus beau groupe de jazz, en France, aujourd’hui ? » s’interroge Armand Meignan, le directeur de l’Europa Jazz Festival. L’improvisation semble être une fonction naturelle chez ces quatre musiciens qui s’écoutent et se répondent comme on discute entre amis, comme on se raconte des histoires drôles, comme on confie ses émotions, comme on refait le monde. Un monde où tout le monde pourrait écrire des compositions simples et belles qui s’installent dans les têtes comme si leur place y avait toujours été réservée, un monde où tout le monde pourrait éclater de joie ou de colère sur une batterie, éclater en sanglots sur une contrebasse ou éclater de rire sur un saxophone.

Le Workshop est le groupe phare et pillier de l’ARFI, l’Association à la Recherche d’un Folklore Imaginaire dont six musiciens (Maurice Merle, Jean-Paul Autin, Alain Gibert, Pascal Lloret, Jean-Luc Cappozzo et Guy Villerd) viendront régulièrement faire travailler un big band régional aux Ateliers Musicaux de Syrinx, de janvier à juin 1998. Au cours de ce trimestre, nous aurons l’occasion de retrouver un autre groupe de l’ARFI, « L’Effet Vapeur », le 20 mars à Carré Bleu. Cette résidence se terminera par une grande soirée, le 19 juin à Beaulieu, réunissant le big band de Syrinx et les musiciens de l’ARFI.

Windmirros
Trois profs de conservatoire (un de Bordeaux et deux de Poitiers) donnent le bon exemple en se jetant dans une improvisation totale et collective, en prenant tous les risques (chocs, ruptures, dérapages…), aux frontières inexplorées des musiques actuelles et aux limites (voire au-delà) de leurs instruments qu’ils maîtrisent en virtuoses. On est loin du swing pépère, certes, mais ça décoiffe !

Philippe Deschepper Solo
Il n’est pas inutile de rappeler que tous les sons de ce concert, même les plus bizarres, proviennent de la guitare. Philippe Deschepper n’a pas peur de la technologie : « E-Bow », « looping and delay devices » ou walkman, trouvent même un usage profondément humain quand ils servent à passer Le P’tit Quinquin à la moulinette pour le glisser entre une ardente coulée de lave en fusion et un hommage à Tinguely. Comme Philippe Deschepper est aussi placticien que musicien, on est forcément, irrésistiblement, tenté de dire qu’il sculpte les timbres, qu’il bricole les sons, qu’il travaille la mélodie comme on modèle une pâte… La métaphore est devenue un cliché, mais un cliché qui fonctionne plutôt bien. En tout cas, son dernier disque solo, Attention escalier, est ce qui est arrivé de plus  passionnant, de plus surprenant et de plus drôle à la guitare au cours de ces dernières années.

Philippe Parant est l’un des guitaristes les plus prometteurs de la nouvelle génération dont la réputation a d’ores et déjà dépassé largement les frontières régionales. Programmé à Musicora, choisi par Didier Levallet pour le festival de Cluny, il a enregistré son premier CD dans les studios du Label Bleu à la Maison de la Culture d’Amiens. Depuis bientôt 10 ans, il s’est forgé un style aux couleurs contrastées, respectueux de la mélodie, où l’on perçoit les influences de quelques grands anciens (Pat Métheny, John Mac Laughlin, John Scofiled o Henri Texier). Au sein de son quartet, il a rôdé une complicité enthousiaste (« un pour tous, tous pour un ») qui libère l’énergie et la spontanéité de ces mousquetaires angoumoisins.

À eux quatre, ces jeunes musiciens totalisent une somme déjà impressionnante d’expériences musicales très diverses : classique, contemporain, trad, rhythm and blues, variété, jazz-rock, techno, ragga-muffin.
Les souffleurs, membres d’« Inconscient Collectif », ont travaillé avec Claude Barthélémy. Le batteur a enregistré avec les musiciens d’Alan Stivell et de Gwendal. Le contrebassiste a participé à des créations contemporaines (Maurice Delaistier) et a travaillé avec Claude Tchamitchian. Au sein de ce quartet, ils revisitent la tradition et déstructurent les formes convenues du jazz avec humour et sincérité, explorant librement les voies d’une improvisation qui cherche à saisir les couleurs sensuelles de l’instant.

Après avoir traversé de grandes formations, (le Celestrial Communication Orchestra d’Alan Silva, l’orchestre Bekummernis de Luc Le Masne ou le groupe Texture) Denis Colin a tenté l’aventure difficile du solo (on se souvient de sa magnifique performance, en juin 97 au Confort Moderne, lors du Festival Mille voix, 1000 voies). En 1991, il crée ce trio qui connaît un succès grandissant : 4 concerts et un deuxième disque est sur le point de sortir. L’engagement total des trois improvisateurs dans l’entrecroisement de rythmes, de mélodies, de timbres et de climats produit une musique à la fois étrangement dépaysante et totalement évidente, comme si les choses les plus inattendues étaient les seules qui devaient arriver.

Parmi les plus importants clarinettistes européens, Denis Colin est l’un des rares qui, d’une part, se soit consacré exclusivement à la clarinette basse et, d’autre part, ait choisi de pratiquer essentiellement l’improvisation libre. De la clarinette basse, il utilise les immenses possibilités d’expression, même (et surtout) les plus inhabituelles, les plus inouïes, les plus surprenantes, non pas pour faire un numéro de virtuose, mais pour construire un propos musical extrêmement novateur et offrir une palette d’émotions d’un e extraordinaire richesse. 

Pascal Ducourtioux, percussionniste et compositeur rochelais influencé par Gil Evans e Charlie Mingus, a un gros penchant pour les grandes formations. Il est l’auteur de Solstice, pour 450 participants dont 300 choristes, de Géomorphismes, pour 90 musiciens dont 60 percussionnistes, et il a créé l’ « Arc-en-ciel Orchestra », un big band de 17 musiciens de Poitou-Charentes. Après avoir beaucoup tourné avec son groupe « Sterne » (11 musiciens) qui a enregistré un disque avec François Couturier et Jean-François Jenn-Clark, le « Duc » propose, avec ce quartet swinguant et aventureux, un concentré de ses univers musicaux.

«  Le trio piano-contrebasse-batterie est sans aucun doute le lieu idéal où peuvent se concilier liberté individuelle et cohésion collective » affirme Didier Fréboeuf. C’est aussi l’une des formations exigeant la plus grande complicité entre les musiciens. Didier Fréboeuf, Guillaume Souriau et Christophe Beausset ont peaufiné la leur, depuis plusieurs années, au sein de « Mas d’Azil ». Limpide et lumineuse, leur musique installe des atmosphères subtiles, dansantes dans lesquelles les propos, empreints de sobriété et de délicatesse, des trois partenaires, s’entrelacent avec bonheur pour construire des architectes dynamiques et parfaitement équilibrées.

Charlène Martin est capable de tout et chaque concert semble être, pour elle, l’occasion de franchir de nouvelles limites. Elle utilise sa voix comme un instrument du quartet en assurant pleinement les influences qu’elle se reconnaît : Bobby Mc Ferrin ou Ima Sumac (pour les performances vocales et musicales), Chet Baker (pour la fragilité et le concentré d’émotion), Betty Carter (pour le swing et le phrasé jazzy). Ses improvisations scattés, qui peuvent bondir de grognements rauques et graves à des aigus perçants, traversent tous les styles… Elle a tout d’une grande !

In Out
Un guitariste spasmodique et minimaliste, un saxophoniste fantasque et décalé, un bassiste un groove volubile,un batteur au swing aussi rigoureux que vigoureux : quatre fortes personnalités musicales ont choisi de jouer le jeu du jazz (sensualité des mélodies, richesse harmonique, spontanéité de l’improvisation, prise de risque rythmique…) en évitant tous les clichés du jazz.
« A l’écoute de leur répertoire, basé sur des compositions originales, on entend les instruments respirer, chanter ou hurler au gré d’un groove énergétique, d’une ballade lunaire ou d’une improvisation qui tourne au délire ».

Monsieur Claude
Dès les premières mesures, nous sommes dans l’urgence et la nécessité, dans l’énergie et la jubilation, dans l’adresse généreuse au public et dans la maîtrise d’un discours musical particulièrement exigeant. Attaques flamboyantes, solos éruptifs, accalmies sensuelles, embardées soudaines, longues figures hypnotiques, explosions de joie, ce quartet s’empare de toutes les musiques avec une conviction gourmande et un humour éclatant. Rock, flamenco, free, musique africaine, chant révolutionnaire espagnol ou slow voluptueusement bluesy, ça chante, ça danse, ça hurle, ça ronronne, ça grince, ça taille dans le vif des émotions tout en construisant des architectures somptueuses miraculeusement équilibrées. Chaque membre de ce quartet, qui est lui-même le leader de ses propres groupes, apporte la richesse de sa personnalité à une cohérence dont la fascination tient au fait qu’elle est fondée (comment pourrait-il en être autrement ?) sur le respect total de la liberté des autres.