On écrivait pour Jazz à Poitiers en 2017 : "Nelly Mousset aime tout ce qui grogne, frotte, crie et tiraille". Bonne nouvelle, rien n'a changé. Tout, tout peut continuer. En plus profond, en plus intriguant et en plus ouvert, aussi. La contrebasse joue toujours les pivots de l'axe de jeu, le son est toujours au cœur du système vibratoire. Mais le regard s'est acéré, le toucher précisé davantage. S'il y a drone, c'est avec un sens de la finesse qui tire les moustaches de l'indicible. S'il y a voix, c'est avec le souci de l'entrelacer aux quatre cordes. Bien entendu, Nelly Mousset, passée par le Lobe, le ZAP et le CFMI n'est ni tombée de la dernière pluie, ni de l'oreille d'un sourd. Sa maîtrise sonore est sans cesse remuée puis renouvelée par un corps mis de plus en plus à contribution. Mis en question : comment le positionner ? Que raconte-t-il ? Est-ce l'image qui créé le son ou la vibration qui fait voir double ? Sans doute, peu de réponses explicites sont à attendre de ce premier concert jeune public et familial. Et c'est tant mieux, il restera autant de place disponible pour les sensations à recevoir d'une musique dont la moindre des qualités est de savoir frotter, grogner et tirailler. Le tout entre deux bouchées d'un goûter. Digestion assurée.

Le pouvoir au Peuple ! Oui, mais avant, les cocos, passez donc par la poésie. Celle qui remue l'intimité de soi et tape dans le connu à grands coups de pelles et de formules détonantes. Après les embardées magnifiques de Traces et de Need Eden, Claude Tchamitchian continue d'explorer ce qui l'habite, prolonge sa descente dans cette intimité, en trio. Classic shit. Sax, basse, batterie. Devise chargée d'histoire. Précédents à l'impériale. Formation idéale pour l'introspectif rugueux comme pour la rage intérieure, pour les contemplations au long cours comme les paysages qu'on se recompose, lessivé en rentrant de rando. Formation idéale, parfaitement mobile face aux tours que joue la mémoire, ultra réactive dans les dialogues engagés. Formation idéale, royal line-up. Le contrebassiste est rejoint par Eric Echampard et Christophe Monniot. Pas les moins aguerris quand il s'agit d'intimité exposée, mise en musique et balancée à la face du monde. Assise solide et tensions volubiles. Structures de jeu tracées au scalpel. Voici un trio taillé sur mesure, et aller chercher le Poetic Power en costards, ça peut avoir une certaine gueule.

Voici deux types libres comme Max. Et le jazz qu'ils fomentent ensemble l'est tout autant, free. Du free jazz puisés dans les très riches heures du style décadré par les duos africain-américains historiques. Free jazz, donc — ou plus justement jazz libre, we are by the frenchies. Nous sommes chez SBATAX, quasi acronyme aussi géométrique que savent l'être les structures des morceaux du duo. SBATAX, lire de travers bat(terrie) et sax(ophone) est animé par Bertrand Denzler et Antonin Gerbal. Deux chercheurs de noise à un espace sonore dont les limites ne sont plus qu'hypothèses. Ce qui est certain, en revanche, c'est la fougue, la puissance et la capacité d'invention des instrus rougis à vif. C'est l'Amérique revue et corrigée par l'Europe. C'est la source personnelle et inépuisable d'une urgence incandescente. Le tout secoué par une complicité d'acier nouée chez Zoor, dans les dédales de l'ONCEIM ou en compagnie d'Axel Dörner. SBATAX, c'est une affaire d'hommes libres. Y'en a même qui disent qui les ont vu voler.

MAÎTRES FOUS

Maîtres Fous rassemble la section rythmique de France, Ernesto-Bear Bones Lay Low et les italiens du Jooklo Duo. Mais ça ne se résume pas à ça, à une simple addition. D'ailleurs Maîtres Fous se résume à rien. C'est une bête insaisissable. Une hydre à cinq têtes, qui pioche, au gré de ses envies et au cours de la musique dans un instrumentarium foisonnant. Pour ne pas dire bordélique. Une véritable brocante de percus, de cloches, de guitares électriques... un sax, une flûte, un synthé... et un peu tout ce qu'ils auront réussi à charger dans le camion ou à glaner. Un joli foutoir, qui élucubre une transe psychédélique incantatoire, enivrante, folklo-hypnotique et jubilatoire. Un beau voyage cosmique.

JOOKLO DUO 

Depuis une quinzaine d'année, les Jooklo bourlinguent aux quatre coins du monde, se déclinent en trio, quartet et plus encore jusqu'à l'octet. Ils invitent, collaborent et s'acoquinent avec la crème de la scène barrée mondiale, de Thurston Moore à John Paul Jones (oui, oui, celui de Led Zeppelin) en passant par Kim Gordon, son compère Bill Nace, Chris Corsano, Merce Cunningham, Evan Parker... on en passe et des meilleurs. Soit plus de cinq cent concerts au compteur et des disques qui enthousiasment Henry Rollins ou The Wire. Alternant déluge d'intensité free et envolées psychédéliques cosmiques, fusionnant sax rageur et batterie cinétique, le duo embarque tout le monde avec lui, barbus du jazz ou amateurs d'expé, punks pogoteurs ou hippies enfumés.

Avec une énergie qui ne faiblit pas, mis en œuvre par des bénévoles forcenés, le Mini Fest' de la Dynamo remet le couvert pour une quatrième édition. Et ce ne seront ni les travaux de voirie sur leur habituel site principal, ni des subventionnements erratiques qui les arrêteront. Gracieusement supportés par le Camji, qui accueillera la mini-grosse soirée du samedi, ils s'inviteront aussi chez l'habitant, pour leurs traditionnels Dyn'appart. Une série de concerts en mode plus intimiste, avec notamment les très classieux Arlt.

Et, pour la troisième fois, ils ont le bon goût de nous faire confiance en nous confiant les clés du Temple de Niort. Et quand on est bien éduqué, on vient jamais les mains vides quand on est invité. Du coup, on vous offre huîtres et vin blanc à l'issue du concert. Non mais.

OhGreu

Transistors acérés et oscillateurs armés, circuits électriques avides d’oreilles fraîches, les géant-parleurs s'éveillent. Amplifiés, distendus par l'acoustique majestueuse d'une chapelle du XIIIème, des fourmillements s'échappent d'un bric-à-brac home-made plutôt cheap, pour s'insinuer dans l'air, la pierre... ils enflent en une masse sonore qui se lève, gronde, imposante, massive. Les ritournelles volent bas, les mélodies frémissent au fond de leur terrier... On pourrait être tenté de fuir, terrifié, mais cet ogre-là captive bien plus qu’il n’effraie.

EN RESIDENCE DU LUNDI 1ER AU LUNDI 9 MARS

Bégayer vous ouvre les portes de sa résidence, le mardi 3 mars et le mercredi 4 mars entre 14h et 18h.
Pendant une heure ou toute une après-midi, venez découvrir ou participer à la création de leurs nouveaux instruments home-made à partir de matériaux récupérés.

Infos et inscriptions > alexia@jazzapoitiers.org
 

Damily
Batterie survoltée, beat infernal, guitares électriques saturées, des voix puissantes et un groove pas comme les autres, c'est le tsapiky malgache de Damily & Toliara Tsapiky Band. En 30 ans de carrière, Damily, le guitariste le plus mordant du tsapiky enflamme les scènes internationales en éternel irréductible de la globalisation musicale. Entrez dans une transe qui mélange ballades salutaires et morceaux quasi-épileptiques.

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Electric Vocuhila
Depuis leur naissance en 2010, les Vocuhila ont su ne jamais trouver leur voie. Trop de trajectoires possibles, autant de carrefours et une fâcheuse tendance à toujours bifurquer vers d’autres ailleurs. Le free, le funk, les States, l’Afrique, le Chinonais… autant de terrains de jeu pour ces instables qui ne s’arrêteront certainement pas en si bon chemin. Et celui qu'ils empruntent depuis quelques temps les mène, pas tout à fait droit, forcément, vers la tradition malgache et son Tsapiky. Et ce n'est pas un hasard s'ils partagent aujourd'hui la scène avec Damily. Après avoir rencontré celui qui en est devenu le véritable ambassadeur, après s'être refilé quelques tricks, les tourangeaux ont digéré l'idiome et s'en sont emparés pour le cuisiner à leur sauce. Sur une base rythmique obstinée mais toujours mouvante, hypnotique ou frénétique, leur musique se construit librement autour de motifs répétitifs, nourris d'Éthio-Jazz, de Sébène congolais et donc de Tsapiky malgache. Entre concision mélodique et une forme de débordement ou de transe, ils développent de longues séquences faites de thèmes fulgurants, de phrasés sinueux, de riffs acérés et explosifs.
 

Eric Brochard, Loïc Guénin et eriKm travaillent et expérimentent un nouveau projet : Là-dehors.

Bégayer revient au Confort pour finaliser la construction de nouveaux instruments home-made et travailler leur prochain répertoire, à quatre cette fois-ci avec l’arrivée d’un nouveau compère.

Pour vous consoler de toutes ces annulations de concert, cadeau-radio! Will Guthrie & l'Ensemble Nist-Nah seront en direct, depuis la salle du Confort Moderne, sur les ondes de Radio Pulsar dimanche 22 novembre à 15h pour un concert unique. Rendez-vous sur le 95.9 FM ou radio-pulsar.org.

Super élégant, parfaitement frontal et tout à fait gentleman, le batteur est recherché comme un comparse idéal sur la transversale jazz/free/expé. Sa musique est pleine d’une écoute au cordeau, que ce soit lors des “solos for one person à la fois” du dernier Bruisme ou dans les assauts furieux de The Ames Room. Quiconque a déjà vu Will Guthrie jouer sait combien ce batteur peut être multiple. Sa frappe a recours au DIY comme aux intrigues sonores pour tracer une sorte de pandémonium pluriel, percuté de mille silhouettes occupées à marteler, à frapper. À insister sur le tympan quand Will est déjà ailleurs. Sans doute parti pêcher d’autres sons dans sa communauté intérieure, dans la mémoire de ses déplacements sur le planisphère. Will pêche et Guthrie ne fait entendre que ce qu’il en a digéré. Exemple ciselé avec Nist-Nah où la tradition du gamelan est revisitée avec un combo de magnificent 8 venus de la musique contemporaine et de l’impro libre. Enfin véritablement plusieurs, Guthrie peut placer des équations rythmiques au cœur d’un rituel accroché à son rachis depuis ses années de formation australienne. Le genre de discipline saisissante qui amènerait illico tout cancre à se fournir en rapporteur, compas et autres Texas Instrument TI-30.