Depuis une paire d’années, à Paris, des musiciens honorent d’autres musiciens. Et pas depuis les rayonnages d’une médiathèque, pas depuis les fauteuils d’une académie. Mais depuis le cocon d’un bar de quartier du 18ème. C’est calé, c’est cosy, c’est salé. Les six musiciens du collectif Umlaut, (entendus au TAP en 2016 avec le Bal Années Folles) rameutent, avec leurs Jazz Series, la dissidence et combinent les origines populaires du jazz à sa vivacité libertaire. Du jazz peint à la main. Un truc qui vous regarde en coin, qui sait jouer les sales gosses. Les piliers de bar, aussi. Celui du Confort Moderne est remodelé, pour cette date, en cabaret. Ambiance façon jazz club, bis ça repart, comme en 40. À Harlem et aux States. Là où un pianiste à la face cubiste et singulière réarrangeait furieusement le portrait d’une musique alors coincée dans le divertissement. Son nom est Thelonious Monk et cette Jazz Série le poste à l’affiche du répertoire des exfiltrés from Umlaut. Rythmique nerveuse, impros siglées Be Bop et six musiciens sans perte de hauteur, rompus à l’exercice royal de la relecture d’un patrimoine en prise avec son histoire. Pas en reste coté chirurgie rythmique, Misha Mengelberg et Randy Weston seront remis, eux aussi, sur l’établi.

Depuis 2013, le projet The Bridge fait jouer et circuler des dizaines de musiciens parmi les plus créatifs du champ jazzistique. Une moitié basée à Chicago et dans le Midwest, une autre dispersée à travers la France.

Sur les deux continents, des clubs et festivals partenaires servent de lieux d’étapes aux tournées. Et en parallèle des concerts sont organisées des actions, des rencontres, dans les écoles, les conservatoires, les quartiers, les universités... Pierre par pierre, au fil des ans, les passerelles se construisent. Et The Bridge conçoit que toutes ces traces dessinées ici et là sont des graines. Production de disques (label The Bridge Sessions), archives orales, écrites et visuelles... Des traces, des graines qui fourniront, sur le long terme, une formidable documentation.

Pour cette itération #2.3 - troisième ensemble né du second cycle entamé en 2019 - quatre As et une Dame. Et toutes les combinaisons de l’inimaginable, tous les équilibres, tous les déséquilibres. D’abord entre un poète à la conscience écarquillée, un hallucinant sonneur de cornemuse, un saxophoniste à la diable et deux violoncellistes en embuscade. Mais ça ne s’arrête pas là. Ça n’est pas qu’une affaire d’instrumentation, aussi fantasmatique soit-elle. C’est une affaire de personnalités, de sensibilités et de stratégies. Négocier les virages, la proximité et la distance... Négocier les croisées et les intersections, que The Bridge continue de favoriser depuis sept ans avec toujours cette même pertinence.

Dans la forêt magique de l’impro mondiale, certaines combinaisons font figures de théorèmes. Cf. les débats engageant Will Guthrie à Oren Ambarchi, Lazro à McPhee, Brötzmann à Bennink et Van Hove. À cette liste, à la présentation suggérée et non contractuelle, s’ajoute le trio John Butcher / Thomas Lehn / Gerry Hemingway. Pas vraiment un groupe consacré, pas complètement des inconnus les uns pour les autres. On a entendu Butcher deviser sur disque avec Hemingway (Shooters & Bowlers - 2001), on a toujours imprimé au tympan les assauts de ce dernier avec Lehn dans Tom & Gerry. Mais, ici, pas vraiment le jeu du chat et de la souris, pourtant. Davantage celui du copain comme cochon. Cochons racés, classe et rigoureux. Techniques étendues au sax sensible pour Butcher, expression tactile pour Hemingway et clarté du son pour Lehn. Pour le fond, ce sera la formule Classic XXL : tension / relâchement, bruit / calme. Patch et boutons répondent recta aux éraflures de caisse claire, aux jeux sur les clefs du sax. Ajoutons ainsi aux duos précédents celui-ci : perfection/confusion. De la place de chacun au sein de ce trio à la dynamique de jeu immédiate, engagée dans une discussion crue, maniaque et forcément un peu étrange, capable de faire du silence une explosion des plus émouvantes.

Première partie
Carte Blanche aux élèves de l'atelier de création et d’improvisation du Conservatoire de Grand Poitiers.

Kaze & Ikue Mori
Prononcez Kaze à la française et c’est la plantade assurée. Kaze rentre dans aucune case et leur musique ne supporte ni étiquette, ni classement. Ou alors, peut-être un classement sans suite. Ce qui la laisse être ce qu’elle est : une musique scrupuleusement libre. Prononcez Kaze selon son appellation d’origine contrôlée, — from Japan — et vous aurez l’essence du quartet. Le vent. En japonais, Kaze, c’est ça, le vent. Toujours un peu libre et entêté. Kaze souffle, donc. Par le pavillon de Christian Pruvost face à celui de Natsuki Tamura. En appui du duo cuivré, il y a la rythmique. Franco-Japonaise, elle aussi. Venue également du collectif Muzzix, pour moitié. Peter Orins quadrille l’espace où Satoko Fujii corrobore, interfère ou digresse. À eux quatre, les musiciens de Kaze ont établi les codes d’une musique à l’amplitude fascinante. Faite de contrastes ultra précis et des sauts dynamiques dont les activistes lillois ont la maîtrise absolue. Du zen sous fricadelle, en quelque sorte. C’est flottant, très libre mais ça pèse sur la réalité du corps avec une aisance imparable. Pour remettre en cause ses inventions sonores, Kaze invite l’immense Ikue Mori, grande prêtresse de l’électronique, fondatrice de DNA en 1977 aux côtés d’Arto Lindsay et tête chercheuse de la musique impro worldwide.

Écorchure. Rien qu'au nom, quelques indices sur la musique. À vif, pour sûr. Et qui égratigne pas mal de styles au passage. De l'impro au rock rugueux ou au jazz qui zigzague. Ou, bien plus précisément et c'est eux qui le disent : "nulle part entre le jazz radicalement non-cool et le rock le plus oui-expérimental". Ici et là quoi, et des ailleurs encore à explorer. Un peu de ci et un peu de ça, au bon goût de leurs cultures respectives du sonore. Cultures aussi dissolues que solubles en une même veine, qui irrigue un cœur qui pulse fort. Un coup de sang qui coule de sources, multiples. Parfois à fleur de peau mais plus souvent fouillant les entrailles. Parce que, sans pour autant se fermer à quelques caresses mélodiques, on sent bien qu'ils sont pas là pour pommader les oreilles... Souvent ça grince et ça irrite. Ça gratte les couches, ça excave profond dans les chairs du son. Mais, comme ça, au détour d'un free sanguin, ça peut glisser, léger, sur un frottement de balais ou un arpège réverbéré. Écorchés, mais pas forcément enragés. Un poil méchants, mais quand même élégants. C'est pas parce que c'est pas fait pour faire joli que ça doit pas être beau. Et ne rien s'interdire, pas même une dose d'humour. Ça joue serré, ok c'est acéré, mais si souvent ça envoie lourd faut prendre les choses à la légère. Écorchure, ça fait pas mal...

On aura beau l'avoir écouté dans un paquet de projets différents, Mats Gustafsson sidère toujours autant. Et, avec les années, son jeu s'affine toujours un peu plus et ne peut aujourd'hui plus en aucun cas se résumer aux coups de boutoir violents qui ont pu faire sa marque de fabrique à ses débuts ou, aux dires de certains, à une espèce de clone de Brötzmann. Même si l'animal reste tout aussi enragé et engagé. Il mûrit quoi... Et, son fameux trio The Thing pour l'instant entre parenthèses (on croise quand même les doigts pour qu'il renaisse un jour !), il s'acoquine de plus en plus régulièrement à de nouveaux compères, souvent tendance haut de gamme. Illustration parfaite avec Underflow qui, rien qu'à la lecture du line-up, fait déjà rêver... Le cri primal du suédois se mêle pour l'occasion à la guitare aventureuse de David Grubbs - pilier du formidable duo Gastr del Sol aux côtés de Jim O' Rourke - et aux flamboyances cuivrées de la trompette de Rob Mazurek, qu'on a pu croiser au sein des Chicago Underground Duo et Trio, d'un The Bridge mémorable ou aux côtés de Tortoise.

Un combo de all-stars en route pour une poignée de dates en Europe, dont une seule en France, entre... Varsovie et Salzbourg ! C'est ici, c'est à Poitiers et quasi nulle part ailleurs. Bilan carbone déplorable, ok, mais on est pas peu fiers.

Rencontre entre les étudiants du CFMI et les musiciens du projet The Bridge#12

Noël Parallèle

De l’art sous le sapin

PUBLICATIONS, fanzines,
disques & GOODIES
Made in Confort Moderne
La Fanzinothèque, Transat
et Accueil du Confort Moderne

Sérigraphies inédites, catalogues d’expositions, disques vinyles, belles éditions, multiples d’artistes, labels indépendants, tote bags et autres goodies : dans les boutiques du Confort Moderne, vous ferez forcément le bon choix pour vos emplettes de fin d’année.

Circuit court, productions rares et soignées, petits prix et rétribution directe pour les auteurs et artistes : les productions du Confort Moderne sont plus belles, plus chic et plus responsables. Et si le Père Noël ne sait que choisir, offrez nos écharpes aux fervents supporters du Confort Moderne.

TOUTE LA JOURNEE
Restaurant, Bar, Entrepôt et Galerie
Restaurant ouvert dès midi et douceurs de Noël à savourer sur place toute la journée.
Expositions Landscape of Beings de Kimsooja et
Mes Sentiments distingués de Jeanne Moynot à (re)découvrir dans l’entrepôt et la galerie.
ambiance musicale & blindtest de noël Avec Johnny Bionic
Dès 14h, retrouvez Johnny l’esthète tout terrain - musique, skate, design, lifestyle - avec sa playlist habilement sélectionnée pour ambiancer votre shopping.
A 17h, participez au blindtest de Noël et tentez de gagner vos cadeaux avant l’heure ! Du grand classique aux curiosités du genre, la sélection de Johnny Bionic sera l’occasion de tester votre goût du jeu autant que votre culture musicale.
 

Au sax ou à l'orgue d'église, à l'électronique comme au Bontempi, on aura eu maintes fois l'occasion de constater que quoi qu'il fasse, quoi qu'il joue, chez Jean-Luc Guionnet, la maestria est toujours à l'œuvre. Le genre de gars sans doute capable de faire de la musique rien qu'en se lavant les dents... Et on reste loin d'avoir fait le tour de ses talents. Plasticien, performer, compositeur ou danseur, il en a tellement sous le pied qu'on peine à le suivre.
Et si Frantz Loriot a moins fréquenté nos scènes locales, il aura quand même au moins marqué les esprits poitevins au sein de Ganjin ou du quartet Der Verboten.
Invités à jouer pour la première fois ensemble par Un Pavé dans le Jazz, on se refile les bons plans entre copains et on leur propose de poursuivre les chemins fraîchement attaqués à Toulouse pour venir travailler, enregistrer et jouer ce qui sera donc une deuxième mondiale. Pour vous dire la chance que vous avez.
Et connaissant le plaisir malin qu'ils prennent tous les deux à fouiller la matière sonore, aussi âpre soit-elle, leur inclination à étendre l'acoustique de leur instrument pour le rendre méconnaissable, à utiliser l'air et l'espace pour le prolonger jusqu'à le rendre énorme, on peut d'ores et déjà imaginer que le sax virulent de Jean-Luc Guionnet et les cordes âpres de Frantz Loriot sauront trouver la voie, les voix, pour exhaler une mélodie dans un magma bruitiste ou saisir la beauté au détour d'un grincement effrayant.

Au sax ou à l'orgue d'église, à l'électronique comme au Bontempi, on aura eu maintes fois l'occasion de constater que quoi qu'il fasse, quoi qu'il joue, chez Jean-Luc Guionnet, la maestria est toujours à l'œuvre. Le genre de gars sans doute capable de faire de la musique rien qu'en se lavant les dents... Et on reste loin d'avoir fait le tour de ses talents. Plasticien, performer, compositeur ou danseur, il en a tellement sous le pied qu'on peine à le suivre.

Et si Frantz Loriot a moins fréquenté nos scènes locales, il aura quand même au moins marqué les esprits poitevins au sein de Ganjin ou du quartet Der Verboten.

Invités à jouer pour la première fois ensemble par Un Pavé dans le Jazz, on se refile les bons plans entre copains et on leur propose de poursuivre les chemins fraîchement attaqués à Toulouse pour venir travailler, enregistrer et jouer ce qui sera donc une deuxième mondiale. Pour vous dire la chance que vous avez.

Et connaissant le plaisir malin qu'ils prennent tous les deux à fouiller la matière sonore, aussi âpre soit-elle, leur inclination à étendre l'acoustique de leur instrument pour le rendre méconnaissable, à utiliser l'air et l'espace pour le prolonger jusqu'à le rendre énorme, on peut d'ores et déjà imaginer que le sax virulent de Jean-Luc Guionnet et les cordes âpres de Frantz Loriot sauront trouver la voie, les voix, pour exhaler une mélodie dans un magma bruitiste ou saisir la beauté au détour d'un grincement effrayant.