D’une douceur infinie, ces chansons free punk. Et sourcées dans le giron de The Ex, dont Arnold de Boer (alias Zea en solo) est chanteur, et du projet en compagnie de Getatchew Mekuria, où Xavier Charles faisait assaut de stridence et de lyrisme fraternel. Il y a donc l’esprit The Ex dans ce duo mais il y a autre chose encore, depuis le premier 45 tours du tandem en 2012. Il y a deux paires d’oreilles vissées sur l’écoute de l’infime et de l’intime. Free, ces chants le sont dans leur structure. Punk, ils le clament dans les métriques et les paroles nous rapportant à une veille salutaire. Douces, ces chansons, le sont, une fois encore, viscéralement. De cette douceur qui trouble tout juste le silence des amis assis tout proches, qui cajole les étoiles sans mièvrerie. De texture enchanteresses, de stridences aux aguets.

Comptez sur la merveilleuse équipe du Restaurant pour vous concocter cocktails chatoyants et mets succulents !

Et si les meilleurs marins étaient Suisses. Steamboat Switzerland pourrait convaincre de cela le plus borné des patrons d’armada. Son free metal navigue avec la même humeur en eaux troubles que sur une mer d’huile. Improvisant avec plein de disto et des sonorités électriques dignes d’une machinerie de paquebot, ce trio né au début des années 2000 a su conserver la même classe à tous les étages. Il faut voir l’écoute développée au sein de Steamboat pour comprendre ce qui se joue dans ses lives, comme on l’entend dans la prise directe de Terrifying Sunset (Trost Records, 2022). C’est brut d’apparence mais travaillé dans la profondeur du son, dans le larsen à peine audible comme dans le bourdon cuivré, dans les drones de l’orgue comme dans le drive ultra rapide de Lucas Niggli. Batteur au pied marin.

Improviser, c’est régler des comptes. Avec le temps qui passe ou encore, comme l’écrivait Philippe Carles, avec l’accident qu’il y a à naître sur terre. Cette nouvelle mouture de The Bridge, on la doit cependant à une musicienne qui a pris son Fly or Die au piège et au mot. Avec le départ de Jaimie Branch, Molly Jones, Tatiana Paris, Gilles Coronado, Tim Daisy prennent le Flambeau. Fidèles à l’ADN transatlantiques, ce quartet électrique improvisera donc, des constructions, des petits monuments musicaux sensibles où le minimal rime avec les embardées puissantes. Histoire de défier la course du temps, histoire de conjurer un possible manque du sens de la vie. « All the music that ever was and ever will be is here now. », laissait Super Jaimie dans ses notes d’avant son envol. Tout ce qui sera est déjà en place. Le futur est sauf.

The Necks, c’est simple. C’est toujours pareil, c’est toujours différent, c’est toujours super. Mais pas facile à décrire, encore moins à résumer. Outre l'exploit à peine humain de rester très longtemps sur un seul motif rythmique, The Necks évite les assauts frontaux, pour un lent ravissement compté en minutes de miroitements ininterrompus. The Necks, c’est simple. Outre la médaille d’un groupe culte australien, le trio arbore l’obsession qu’une cellule rythmique unique aussi têtue qu'entêtante peut naître dans la tête des auditeurs des fresques, des romans, des péplums. Chaque instrument prend l’oreille par l’épaule et lui fait entendre ce qu’elle décidera de prendre dans ce mouvement incessant de pédales fécondes et d’ostinatos lapidaires. Une forme d'art cinétique où la dynamique de chaque partie fait reluire le tout sous un éclairage remis en jeu à chaque geste joué.

Designers a le pattern léger. Et très joueur. Impossible de le regarder en face. Sournois, le trio assemblé par Joachim Florent ? Fichtre non. Multiple et terre à terre, carrément. Ses géométries sonores ne sont jamais frontales et gardent ardente l’intégralité de ses mystères. S’il prend à première vue sur le papier l’aller d’un plan d’évacuation en cas d’incendie, Designers allume ses angles aigus avec des feux de joie. C’est volubile, cursif et transmissible. Pas mal, dans une époque où le gris reprend des couleurs. De l’aveu de son leader, le set de Designers explose très vite ses propres contraintes. Le jeu, le jeu et le plaisir. Pas d’autre épilogue possible. On peut ajouter quelques qualités classes comme un lyrisme impénitent, un sens de la mélodie populaire recomposé, par jeu forcément et une puissance de frappe qui vous colle le plaisir au coin des lèvres.

Refonte des ambiances. Pas de feu d’artifice sonore assourdissant mais une longue plage où musical rime avec amical. Au cœur de cette ambiance faite de musiques qu’on ne connaît pas, qu’on découvre ou s’amuse à reconnaître, l’oreille peut choisir de se perdre avec envie, curiosité et délicatesse. Moment commun où ralentir devient possible, sans menace ni contravention.

Un solo de Lê Quan Ninh, c’est presque plus un instant de grâce, de beauté à l’état pur qu’un concert de plus comme les autres. On touche à l’essence même de la musique. Égarement des sens, dispositif au plus réduit. Une simple grosse caisse, posée à plat, raclée, frappée, frottée, caressée et quelques ustensiles, mailloches et baguettes. Rien d’autre, si ce n’est l’immense talent le génie de Ninh et sa gestuelle fascinante, féline, presque dansée. Un moment d’écoute vertigineux qui marque à jamais.

Expressionniste, ce trio européen. Même dans ses gestes les plus simples, dans ses impressions miniatures. Rare, inouï et précieux. Paulina Owczarek, sax polonaise, s'y confronte à un duo frenchy composé de Christine Wodrascka et Peter Orins. Ces deux derniers ont joint leurs fers dans le line-up de The Bridge #14, en 2017. Courtes saillies lyriques et larges stridences. Orins et Owczarek ont une complicité sonore affirmée née en duo et en orchestre. Les trois ont en commun la maîtrise du moindre geste et l’élan le plus sûr. Leur trio appartient forcément à cette histoire de mix et de mélismes, de spontanéité provoquée, de décharges provocantes. Entre expérimentation et impro free, l’énergie instinctive qui circule sans contrainte, peut se créer alors un espace où forer, enfin, le silence. Et laisser sourdre des dialogues courtois.

Mort Shuman chantait les étés de porcelaine ; la céramique, Yves Chaudouët la fait chanter. Batterie Fragile est un drumkit imaginé par l’homme de scène, de lettres et d’images, où les toms et les cymbales sont de terre cuite, Batterie Fragile est une perf-solo où le code a changé. La puissance se tait au profit de la sensibilité et de la retenue. De cela, le frappeur espagnol, Iker Idoate Santaolalla n’en manque pas. Sacré champion sur terre battue.

PROGRAMMATION :

Bruisme #12 du 29 juin au 2 juillet 2023

Iva Bittova & Maud Herrera | Alexis Degrenier | Fixin Extended | Kou | Antoine Viard "Tumulus" | Tatiana Paris | Orchestre Baraque a free | France Sauvage | MMMD | Sakina Abdou | Brunoï Zarn | More Soma | Trucs 

• Jeudi 29 juin | 19h - More Soma - Confort Moderne
   
• Vendredi 30 juin | 18h30 - Antoine Viard "Tumulus" | Kou | Iva Bittová & Maud Herrera | Orchestre Baraque à free “Silex” - Le Confort Moderne

• Samedi 1 juillet | 16h - Bruîtres | Fixin Extended - Le Lieu Multiple

• Samedi 1 juillet | 18h30 - Brunoï Zarn "Ghost Rider" | Alexis Degrenier "Mouvements fantômes, membres miroirs" | MMMΔ | France Sauvage - Le Confort Moderne

• Dimanche 2 juillet | 15h -  Tatiana Paris "Gibbon" | Sakina Abdou | Trucs - Les Usines de Ligugé