Passer un pont pour aller creuser sur les terres d’en face. Sacré voyage, me direz-vous. Idée sacrée, répondraient de concert les cinq inventrices et inventeurs de cette nouvelle mouture de The Bridge. 2.9 : explorations transatlantiques, pour un compte précis. Sacrant l’idée qu’il est primordial de chercher, sans jamais s’arrêter de creuser pour paraphraser les intentions de Julien Pontvianne, souffleur et l’un d’entre eux. Creuser, donc, et repartir à l'assaut des montagnes, viser l’inconnu pour en expurger des trésors d’étincelles, sacrée affaire, direz-vous. Il n’en faut pas moins pour reprendre son bâton d’improvisateur et arpenter les possibles. Au-delà des identités présentes dans ce nouvel attelage, laissant Chicago tutoyer de nouveau l’Hexagone, il y a cette obsession de joindre des pratiques, des natures libres face à un collectif réinventé au cœur du monde.

Artifacts, c’est de l’Arte Povera appliqué à la Great Black Music, économie de moyens et veille politique. De la musique aussi. Artifacts, c’est un trio magnifique traversé par l’histoire et le sens des révoltes. On est à Chicago, l’esthétique parle pour elle-même. Afrofuturisme, lignes mélodiques redoutables, techniques instrumentales connues sur le bout des ongles, interplay royalement coopératif. Tous membres actifs de l’AACM (Association for the Advancement of Creative Musicians, créée, notamment par Roscoe Mitchell et Wadada Leo Smith), Nicole Mitchell, Tomeka Reid et Mike Reed frottent, claquent et glissent du contemporain le plus tendu au swing le plus sévère. Lucides, intelligents et vigoureux. Armés d’une préparation idéale à la guérilla sonore. Great Black Music et guérilla ? Ce sont des mots qui vont très bien ensemble, Michelle.

Résidence d'enregistrement

Ce trio originaire de Poitiers assume une instrumentation singulière : guitare, vielle à roue, batterie.

Un mélange original que le trio met sans dessus dessous à grands coups de pédales d’effets et d’électronique. Aux confins du jazz, du drone et du bruitisme, les trois musiciens jouent une musique chargée en énergie, aux couleurs denses. Une intense brillance se juxtapose à des ruptures dynamiques et de sombres atmosphères. Chaque instrument est poussé dans ses derniers retranchements.

La vielle à roue de Benoit Michaud peut se faire furieuse, hypnotique, fragile ou extatique. La guitare de Julien Coupet prend un malin plaisir à se faire douce avant d’exploser en accords telluriques. Et la batterie d’Erwin Toul, augmentée d’électronique, sait se faire tour à tour rythmique obsédante ou pourvoyeuse d’atmosphères contrastées.

Dans l’univers hybride de Betadynn, le jazz se fond dans les rythmiques technoïdes entêtantes et dans les textures synthétiques des musiques électroniques.

De cette rencontre de styles aux dimensions multiples et au potentiel sans limite, le trio a puisé un son d’un genre inouï, alliage à nul autre pareil ouvrant la voie vers de nouveaux territoires. Et si ces trois-là sont de redoutables instrumentistes, ce sont avant tout des conteurs, des metteurs en son d’histoires auxquelles donnent vie traitements électroniques et arrangements finement ciselés, irrigués d’improvisations vertigineuses.

À la croisée de multiples genres, la musique de Betadynn lève le voile sur le futur captivant du jazz instrumental.

Expérimentations visuelles, installations et expositions, films rares ou inédits, performances transdisciplinaires, artistes inventifs et découvertes en tous genres, OFNI reste un événement unique en Nouvelle Aquitaine, organisé par l’association activiste de l’image et du son Nyktalop Mélodie. OFNI se démarque depuis 19 ans comme une manifestation unique rassemblant une diversité de lieux partenaires (SMAC, espace scientifique, cinémas, maisons de quartier, cafés, lieux d’exposition, espace public et de patrimoine, etc.) avec une programmation éclectique et inédite, OFNI reste le seul festival programmateur de cinéma expérimental en Nouvelle-Aquitaine.

Phosphène de Armand Lesecq
Film pour paupières closes

Phosphène est un film pour paupières closes et son spatial. Inspiré par le rêve, l’hypnose et les neurosciences, ce projet vise à explorer nos espaces intérieurs au travers d’un dispositif bien particulier : une vidéo-projection sur les yeux fermés du public et un système sonore multicanal. La paupière, la rétine, l’oreille puis le corps tout entier deviennent alors récepteurs de ce dispositif, laissant place à l’imagination, au doute, au rêve, à l’inconnu.
  
Grand Veymont

Le krautrock de salon de Grand Veymont naît de l’envie d’une écriture plus libre et de longues improvisations autour d’un dispositif simple : des orgues et synthétiseurs, une batterie, une boîte à rythme, une flûte et deux voix. Avec leur dernier album, « Persistance & changement » (Objet Disque 2020), ils poursuivent les expérimentations en proposant un unique morceau de 40 minutes où les mélodies et motifs s’empilent et s’imbriquent, où tout chavire incessamment.

Maryana Klochko

Maryana Klochko est une chanteuse, productrice et compositrice de musiques de films, née dans l’ouest de l’Ukraine et basée à Kyiv. Sa musique, oscillant entre ambiance expérimentale, atmosphère de club fantomatique, mélancolie électronique et poésie vocale minimaliste, suggère un état dans lequel il n’y a ni espace ni temps. Elle perçoit la musique comme une narration, cherchant un équilibre entre l’inconscient, le réel et le fictif. Maryana Klochko fera son tout premier live en France à l’occasion de la 20ème édition du festival OFNI !

L’amour à plusieurs. Avec toutes les ramifications que la sensibilité et l’instinct peuvent livrer quand on improvise. Au Pocollectif, la chose reste claire pour les plusieurs groupes engagés dans cette visite commentée et unique du Confort Moderne. Beaucoup de croisements, beaucoup de rencontres. Ici, cela prendra la forme des mystères. Quelques concerts isolés puis un set tutti. Un concert créé pour l’occasion de cette visite musicale. Improvisée à plusieurs. Avec amour.

Voilà qui remet les horloges de la géopolitique à l’heure, voici qui réjouirait feu Jean-Christophe Victor. Ce trio est européen. Point barre. Cette musique agit sur son fond européen. Jugez. Un batteur flamand et un violoncelliste turc-allemand. Pas besoin du Te Deum de Charpentier pour piger le truc. Et même si s’y glisse la légende Fred Frith, la musique ne change pas son ADN. Européen. Putain putain, c’est vachement bien. Sinon ? La musique est parfaite, toute en nuances sensitives et intenses, toute en demi-teintes parfois violentes, parfois pointilleuses. There or Here and That, titrait le premier disque de ce combo très récent (Eux Saem, 2020). Tout est là. Dans la continuité du post-punk, dans la modernité de l’improvisation actuelle, ce trioest pile à l’heure.

Pour raisons personnelles, Clara Weil ne pourra pas être présente.

Dissonances, nuits blanches et syllabes étranges. Tiercé gagnant pour Mélanie Loisel et son Borguefül, solo atmosphérique. Vocalo-bassé comme flottent les astronautes.  La langue qui s’y déploie sous les coups d’archets et les drones de contrebasse, est celle, âpre et persuasive, d’un patois de Haute-Loire pris par la musicienne à la bouche même de sa grand-mère. Filiation vénérable, Borguefül est une de ces modestes prouesses « qui attrapent physiquement », selon les propres mots de la contrebassiste. C’est doux, simple et touchant. Jamais appesanti par le discours, toujours poussé par le sensible et l’intimisme. C’est un peu folk, c’est un peu trad, c’est un peu expérimental. De ces expériences qui vous rapprochent avec le goût de l’essentiel, en vous rendant au passage le plus beau de vos sourires.

C’est du rap en noir et blanc, c’est du folk teinté sépia. Mais sous le vernis monochrome, il y a un paquet de nuances, de trucs explosifs, des milliers de petites pépites livrées par Mike Ladd et Mathieu Sourisseau, right on time. Ride On Time, plutôt comme hurlait Black Box. C’est rassurant. Ces deux cowboys, jamais bluesy, jamais tristes, volent au-dessus des embûches du genre, loin au-dessus du temps qui passe. Reverse Winchester avance peut-être à contre-courant, mais la guitare de l’un et la scansion de l’autre ramènent l’actualité au cœur des bruits du monde. Cirée et lustrée comme un dimanche. C’est brut, brutal et très amical. Comme savent l’être Aurélia Gloriod, cheffe-inventeure des planches de dégustation et Guillaume Le Dorner, géniteur du cocktail associé à la soirée. Plaisir du palais, bonheur du tympan. Pas mieux.

Pas simple de rester longtemps confidentiel avec un tel son. Altiste de la nouvelle scène scandinave hyperactive, Danoise expat' en Norvège, musicienne à suivre, alchimiste du sax. À cheval entre l’héritage du Free et la fraîcheur des Temps Modernes, à l’aise dans les géniales cabrioles de karbø Skulekorps, à la pointe de l’impro comme des climats le plus ténu. Pas en colère ni énervée, ainsi parle Signe Emmeluth. Son quartet Amoeba remet le goût du risque au centre du jeu. Puissant sans être violent, déroutant sans avoir promis. Ce free jazz-là se joue à l’ancienne, sax, guitare, piano, batterie. Ce free jazz-ci, très composé, préserve pourtant sa part d’impatience et d’énergie dans les remous du monde actuel. Fracassé le monde ? Signe Emmeluth et Amoeba mettent du baume là où il le faut.

À l’amiable, ce constat. La vie est un accident, soit. Et pour se coltiner à cette idée, en paraphrasant Philippe Carles, disons que le jazz compose avec ses moyens et son énergie. Improviser, c’est vivre. Et traverser aussi. Nos habitudes, nos réseaux, en toute conscience de soi. « Ce qui m'intéresse le plus dans cette rencontre franco-américaine, c'est le parcours singulier de chacun. » complétait Raymond Boni, à la création de ce quartet siglé The Bridge en 2019, deuxième des groupes nés de la deuxième génération d’ensembles collaboratifs franco-américains. À l’intuition du guitariste-explorateur de textures et de structures répondent 3 autres cordes et un soufflant. Pas de rythmique, pas de piano orchestrateur. Mais tout le champ des possibles pour tirer des bords sonores et improvisés. Fins, sensibles et de caractère.